Google, Facebook ou Twitter ne sont pas « complices » de terrorisme, tranche la Cour suprême des États-Unis

La plus haute juridiction américaine a donné raison jeudi à Google, Facebook et Twitter, qui étaient poursuivis par des victimes d’attentats pour avoir hébergé des contenus de l’État islamique.

Des victimes d'attentats poursuivaient des géants de la tech pour avoir hébergé des contenus faisant la promotion d'organisations terroristes. (illustration) Reuters / Mike Blake
Des victimes d'attentats poursuivaient des géants de la tech pour avoir hébergé des contenus faisant la promotion d'organisations terroristes. (illustration) Reuters / Mike Blake

    C’est une victoire de taille pour les géants de la Silicon Valley. Google, Facebook et Twitter ne peuvent pas être poursuivis par des victimes d’attentats qui leur reprochent d’avoir aidé le groupe État islamique en relayant sa propagande, a tranché jeudi la Cour suprême des États-Unis dans un dossier très suivi par le secteur de la tech. La haute cour a ainsi donné raison aux géants de la tech, sans entrer dans un débat plus large sur la loi qui les protège depuis un quart de siècle de poursuites pour les contenus qu’ils mettent en ligne.

    Concrètement, elle s’est prononcée sur deux affaires distinctes. Dans la première, les parents d’une jeune Américaine tuée dans les attentats de novembre 2015 à Paris avaient porté plainte contre Google, maison mère de YouTube, à qui ils reprochaient d’avoir soutenu la croissance de l’EI en suggérant ses vidéos à certains usagers. Dans la seconde, les proches d’une victime d’un attentat contre une discothèque d’Istanbul, le 1er janvier 2017, estimaient que Facebook, Twitter et Google pouvaient être considérés « complices » de l’attaque, car leurs efforts pour retirer les contenus du groupe EI n’avaient pas été suffisamment « vigoureux ».

    « Le fait que des mauvais acteurs profitent de ces plateformes ne suffit pas à assurer que les accusés ont consciemment apporté une aide substantielle » aux djihadistes, écrit le juge Clarence Thomas dans l’arrêt unanime de la Cour. « Nous concluons que les allégations des plaignants sont insuffisantes pour établir que les accusés ont aidé l’EI à réaliser son attentat », écrit-il encore.

    Section 230

    Autre motif de soulagement dans la Silicon Valley : la haute juridiction « décline » l’invitation à préciser la portée de la « section 230 », une loi datant de 1996 qui confère une immunité judiciaire aux entreprises numériques pour les contenus mis en ligne sur leurs plateformes. Les grandes entreprises du secteur défendent bec et ongles ce statut d’hébergeurs - et non d’éditeurs - qui a selon elles permis l’essor d’internet.

    Mais cette disposition ne fait plus consensus : la gauche reproche aux réseaux sociaux de s’abriter derrière cette immunité pour laisser fleurir des messages racistes et complotistes ; la droite, outrée par le bannissement de Donald Trump de plusieurs plateformes, les accuse de « censure » sous couvert de leur droit à la modération. Compte tenu de ces perspectives divergentes, les efforts législatifs pour amender le texte n’ont jamais abouti.



    Lors de l’audience en février, les juges de la Cour suprême avaient eux aussi exprimé des doutes sur la pertinence de la « section 230 » aujourd’hui, mais également leur réticence à influencer le sort d’une loi devenue fondamentale pour l’économie numérique.

    « Si jamais nous prenons votre parti, tout d’un coup Google n’est plus protégé. Et peut-être que c’est ce que veut le Congrès, mais n’est-ce pas au Congrès d’en décider plutôt qu’à cette cour ? », s’était interrogée la magistrate progressiste Elena Kagan. Changer la jurisprudence pourrait « faire s’effondrer l’économie numérique, avec toutes sortes de conséquences pour les travailleurs et les fonds de pensions etc. », a de son côté noté le juge John Roberts.

    Leur retenue a satisfait le secteur technologique. « La Cour a reconnu à juste titre la portée limitée de ces dossiers et a refusé de réécrire un aspect central du droit de l’Internet, protégeant la liberté d’expression en ligne et une économie numérique fleurissante », a dit Matt Schruers, président de l’association professionnelle CCIA. « Nous sommes ravis que la Cour ne traite pas et n’affaiblisse pas la section 230 qui reste une partie essentielle de l’architecture de l’internet moderne », a commenté auprès de The Messenger David Greene, de l’organisation Electronic Frontier Foundation qui défend la liberté d’expression sur le Net.