Présidentielle: a-t-on le droit de faire un selfie dans l'isoloir?

En ce jour de second tour, ce sont 48,7 millions d'électeurs français qui sont appelés aux urnes pour élire le prochain président de la République. Et cet acte symbolique peut donner l'envie d'immortaliser le moment. Selfie, story Snapchat ou Instagram... nombreux sont les électeurs qui souhaitent le partager sur les réseaux sociaux.

En 2014, le hashtag #selfisoloir avait été lancé sur les réseaux sociaux à l'occasion des élections municipales et des milliers d'autoportraits avaient ainsi été postés sur les plateformes. Depuis plusieurs années maintenant, la question des selfies dans l'isoloir se pose à chaque élection. Que dit la règle?

Le selfie dans l'isoloir pas interdit mais...

Le code électoral ne fait pas mention de cette problématique. De fait, aucune loi ne proscrit les photos d'électeurs dans l'isoloir. Néanmoins, cet acte se heurte à la règle qui stipule que "le scrutin est secret". Le président de votre bureau de vote pourrait, effectivement, juger qu'un selfie remet en cause cette consigne, le scrutin devant être "soustrait aux regards", ou du moins que cela perturbe la solennité du vote.

"Sans quitter la salle du scrutin, [l'électeur] doit se rendre isolément dans la partie de la salle aménagée pour le soustraire aux regards pendant qu'il met son bulletin dans l'enveloppe", stipule l'article L62 du code électoral.

Toutefois, si le scrutin est secret, le vote ne l'est pas nécessairement puisqu'il n'est pas interdit de dire que l'on a voté ou non, ou même pour qui. Le selfie dans l'isoloir se place donc entre ces différentes règles, ce qui le rend difficile à formellement interdire.

Risque de pressions

En 2014, le ministère de l'Intérieur est interrogé sur cette question. Indiquant qu'il n'est pas interdit de faire un selfie, il ajoute que cela est néanmoins fortement déconseillé. Il pointe notamment du doigt le risque d'éventuelles pressions, le selfie dans l'isoloir pouvant, par exemple, servir de preuve que l'on a bien voté pour un candidat précis, à la demande d'une tierce personne.

"Il n'apparaît pas recommandé de le faire car le simple fait de le faire et a fortiori de le publier peut générer un soupçon sur l'indépendance de l'électeur quant à son vote. En effet, rien ne peut garantir que cette publication n'ait été exigée, notamment par des pressions", expliquait ainsi le ministère de l'Intérieur.

Propagande électorale

Le jour du scrutin, au sein d'un bureau de vote, il n'est pas autorisé de montrer de signes pouvant attester d'un soutien à tel ou tel candidat. Par conséquent, prendre une photo pourrait être vu, par certains présidents de bureau de vote, comme de la propagande électorale.

Mais sur ce point, la justice a déjà été amenée à trancher puisqu'en 2014 toujours, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté le recours d’un candidat contre des selfies dans l'isoloir pris par les filles de son adversaire. La justice a ainsi estimé que la pratique était certes “blâmable”, mais qu’elle n’avait pas eu “d’écho négatif sur la population”.

En somme, le selfie dans l'isoloir est déconseillé puisqu'il peut vous faire prendre le risque d'être expulsé par le président ou la présidente de votre bureau de vote s'il considère que cet acte perturbe le bon fonctionnement de l'élection.