Génération porno

La pornographie est en accès libre sur les téléphones portables. À 12 ans, près d'un enfant sur 3 en a déjà visionné. ©Radio France - Cécile de Kervasdoué
La pornographie est en accès libre sur les téléphones portables. À 12 ans, près d'un enfant sur 3 en a déjà visionné. ©Radio France - Cécile de Kervasdoué
La pornographie est en accès libre sur les téléphones portables. À 12 ans, près d'un enfant sur 3 en a déjà visionné. ©Radio France - Cécile de Kervasdoué
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En accès libre sur les téléphones portables, les vidéos pornos sont regardées par plus d’un adolescent sur deux, dans plus de la moitié des cas avant même leur première relation sexuelle. Ces images crues, violentes et dégradantes, diffusées au mépris des lois, influencent leur vie intime.

Les Français sont de gros consommateurs de pornographie (au 6ème rang de la consommation mondiale). D'après une enquête de 2016 pour l’Observatoire de la parentalité & de l’éducation numérique (OPEN), la moitié des adolescents surfent sur des sites pornographiques souvent avant de connaitre leur premier rapport sexuel et plus de la moitié d'entre eux tentent de reproduire les scènes qu'ils ont regardées. Le porno est donc un modèle sexuel pour beaucoup de jeunes qui ont grandi avec ; la vie intime des garçons comme des filles s'en trouve changée.

Il faut en parler !

La consommation du porno n'est pas aussi taboue chez les jeunes que chez les plus vieux. Elle est tellement banale qu'elle est un sujet de conversation dès le collège, notamment lors des (trop) rares cours d'éducation sexuelle et affective.

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Le porno est devenu le sujet de conversation dès le collège. Des petites filles de 11 ans en 6e viennent me voir à la fin de l'atelier en demandant : que pensez-vous des plans à trois ? Thérèse Hargot, thérapeute de couple et sexologue, intervient en milieu scolaire depuis une quinzaine d'années.

Les enfants sont confrontés de plus en plus jeunes au porno et en développent la plupart du temps de graves traumatismes.

LSD, La série documentaire
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J'ai vu mes premières images porno très jeune. J'avais 6 ans. J'ai cru que la dame avait très mal parce qu'elle criait très fort. Ces images tournaient dans ma tête alors j'en ai parlé à mes parents mais ils n'ont pas su quoi dire. J'étais jeune, c'était plus fort que moi alors je suis allé chercher sur internet et je suis tombé dans le porno. Jusqu'à l'année dernière j'en regardais quasiment tous les jours. C'est un support masturbatoire qui aide bien à dormir. C'était comme une drogue !                  
Hugo, 27 ans, commercial en sevrage de pornographie

Moi, le porno m'a poussé à avoir une vie sexuelle trop jeune : à 13 ans. Je n'avais aucune idée de ce qu'était une femme. Je n'ai découvert l'existence du clitoris qu'à 19 ans, l'année dernière. Ma vie sexuelle a donc été un échec. Ce manque d'épanouissement a, je crois, fait souffrir ma partenaire dont j'étais très amoureux et ça, je le regrette beaucoup. (...) Les vidéos pornos montrent des contenus par et pour les hommes : fellation, pénétration, fin du rapport. Elles donnent aussi l'impression qu'il faut être bon naturellement mais, on ne peut pas être bon tout seul !            
Guillaume, 20 ans, étudiant en école d'ingénieur à Marseille

Pour les femmes de ma génération, le sexe est toujours mécanique, violent et rapide. Nous sommes des objets masturbatoires pour des garçons qui sont persuadés de "savoir faire". Je me souviens comment à 15 ans j'étais pour mon compagnon un objet sexuel. Il se servait de mon corps mais il n'en avait rien à faire de moi ! C'est d'une très grande violence ! On a honte, on est ignorante et il faudrait en plus qu'on éduque les garçons ? Impossible ! Alors, comme beaucoup d'autres femmes de la génération porno, on fait l'étoile de mer : allongée sur un lit, les yeux au plafond, on attend que ça passe ! Résultat, les jeunes femmes ne font plus l'amour, elle n'y trouvent pas leur compte !                  
Lolita, 21 ans, étudiante à Sciences Po Paris

Lolita : "les jeunes de la génération porno ne font plus l'amour"
Lolita : "les jeunes de la génération porno ne font plus l'amour"
© Radio France - Cécile de Kervasdoué

Les jeunes de la génération porno se conforment aux canons du genre. Omniprésente dans l’univers X, l'épilation intégrale est de plus en plus répandue chez les jeunes filles : la moitié des filles de moins de 25 ans (45%) et un quart des 25 à 34 ans (26%) sont épilées intégralement.

Les hommes parlent de la pression qu'ils se mettent pour être "bons naturellement" et "rapides". Les garçons développent ainsi très jeunes des complexes sur la taille de leur pénis (Un homme jeune sur 3 a déjà été complexé sur la taille de son pénis en regardant un film porno). Derrière ce culte de la performance se développe aussi l'idée que l'orgasme féminin est trop compliqué, trop difficile à atteindre, trop rare, voire inexistant.

Que fait l'État ?

Le gouvernement a mis en place début février un site pour mieux informer les parents. Jeprotègemonenfant.gouv.fr

Le problème, c'est que l'État ne fait pas respecter la loi à l'industrie pornographique. La plupart des géants du porno ne bloquent pas leurs contenus pour les enfants. Le porno est en accès gratuit et plus il est regardé par les plus jeunes, plus il en fera des accros. Une aubaine pour cette industrie de la prostitution en ligne.                  
Thérèse Hargot, sexologue

Le danger avec le porno, c'est l'addiction. La masturbation sexuelle dope le cerveau (à la dopamine) qui en redemande toujours plus.

C'est assez vite une obsession. On regarde les femmes et tout de suite on les voit nues. On est hantés par les images porno toute la journée. C'est une tension permanente, comme si on était des animaux.                  
Hugo, 27 ans, en sevrage de porno

Le porno permet à toute pulsion sexuelle de se libérer à tout moment. Or à l'âge où les jeunes doivent apprendre à contrôler leurs pulsions pour être libre, le porno vient les satisfaire. Je n'ai pas peur de dire qu'avec cette génération porno, nous avons créé une génération de pervers sexuels !                  
Thérèse Hargot, sexologue

Comment en sortir ?

La solution se trouve sans doute dans une meilleure application des programmes d'éducation sexuelle en milieu scolaire. Le gouvernement lance ce 23 février un groupe de travail sur le sujet.

En attendant, il existe des module de "désintoxication" du porno en ligne. Soit via l'association We are Lovers. Soit via le site de la sexologue Thérèse Hargot.

A chaque fois, il faudra remettre en question des idées reçues sur les pornographie comme : "La pornographie n’a aucune influence sur ma vie sexuelle !", "Je suis tout à fait capable de faire la part des choses !", "C’est toujours moins grave que de fumer, boire ou se droguer !", "J’arrêterai le jour où je serai dans une relation stable !", "Regarder du porno, c’est pas tromper !", "Je ne fais de mal à personne !", "Je ne suis pas dépendant, moi. J’arrête quand je veux !", "Une fois de plus, une fois de moins, ça ne va rien changer !", "J’en ai besoin. Pour moi ce n’est plus un choix, c’est une habitude !".

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