La vitalité du cinéma français est le résultat d’une ambition collective des éditeurs français de chaînes de télévision gratuites et payantes et des acteurs du cinéma (salles, producteurs, distributeurs), portée par les pouvoirs publics depuis plus de cinquante ans pour préserver l’exception culturelle française. Le principe est simple : en contrepartie de son investissement et du respect de diverses obligations, chaque opérateur a le droit d’exploiter pendant une durée prédéfinie, en exclusivité et sans concurrence, le film qu’il a financé ou acquis.
Les périodes se succèdent ainsi entre les supports de diffusion et les publics : salles, chaînes de télévision payantes, vidéo à la demande puis chaînes gratuites. C’est ce qu’on nomme la chronologie des médias, qui repose sur un accord entre l’ensemble des acteurs du cinéma, résultat de longues négociations et de compromis parfois douloureux, mais au service d’un bien commun : l’accès du public le plus large au cinéma le plus divers.
Les télévisions gratuites ont toujours été au rendez-vous de ce soutien au cinéma français, à sa diffusion, et à sa diversité. Chaque année, France Télévisions, M6 et TF1 proposent gratuitement à l’ensemble des Français une diversité de films, comédies, polars, drames, etc. qui contribuent à l’élaboration d’un imaginaire collectif. En 2021, elles ont investi 144 millions d’euros dans 126 films, qui n’auraient sinon pas pu voir le jour.
Au début de cette année, le nouvel accord sur la chronologie des médias a favorisé les plates-formes payantes américaines comme Netflix, Amazon Prime Video ou Disney + en les plaçant avant les télévisions gratuites. Canal+ a également bénéficié d’un avancement de sa fenêtre. Les télévisions gratuites ont joué le jeu alors même que l’arrivée de ces nouveaux acteurs à la puissance financière internationale est de nature à les soumettre à une concurrence accrue. Les chaînes ont accepté que les plates-formes payantes puissent diffuser les films avant elles malgré l’apport supplémentaire très modeste que ces services consentent – de l’ordre de 50 millions d’euros par an, soit moins de la moitié de celui des télévisions gratuites.
Le maintien des règles existantes et d’une diffusion exclusive, comme pour tous les autres diffuseurs, est bien le moins qui pouvait être attendu et qui a été obtenu par les chaînes gratuites.
Chantage
Or, dès l’entrée en vigueur de la nouvelle chronologie, le studio américain Disney, qui n’avait pas souhaité signer le texte, l’a réinterprété à sa guise afin de supprimer l’exclusivité d’exploitation des télévisions gratuites et ainsi de conforter sa stratégie d’exclusivité pour son propre service par abonnement. A l’appui : un chantage et des menaces de retrait de ses films des salles de cinéma. Netflix, qui avait pourtant signé l’accord, a profité de ce vent de contestation américain pour faire volte-face et le remettre en cause dans une solidarité de circonstance.
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