Pic historique
Mercredi 16 décembre, le cours du bitcoin a atteint 20 787 dollars, son plus haut historique, dépassant de peu son record de fin novembre, établi à 19 863. Au passage du Grand-Cerf, à Paris, seul « bitcoin boulevard de France », l’information anime surtout Gael Ouaki, un des commerçants à l’origine de l’introduction de la cryptomonnaie dans cette galerie du 2e arrondissement. On est en novembre 2016, le cours du bitcoin est à 742 dollars. La devise suscite encore la méfiance d’un grand public qui l’associe aux bas-fonds du Dark Web, où terrorisme et trafic cohabitent. Pour prouver qu’il s’agit d’un moyen de paiement tout à fait légal, l’association Le cercle du coin et l’entreprise La Maison du bitcoin (devenue la Coinhouse) inaugurent le « boulevard du bitcoin » dans ce passage. Ils convainquent les vingt commerçants du lieu d’accepter le paiement en bitcoin. Mi-décembre 2017, il s’envole et flirte avec les 20 000 dollars. Puis s’effondre.
Semi-échec
Le succès de l’opération parisienne est médiatique mais éphémère. En 2020, Gael Ouaki n’a reçu que trois paiements en cryptomonnaie. Le coronavirus est passé par là. Les touristes, premiers payeurs en bitcoin, sont absents. Des vingt boutiques des débuts, cinq ont déménagé. Les nouveaux occupants ne sont pas encore formés. La Maison du bitcoin, partenaire de l’opération, bureau de change mais aussi lieu de vulgarisation, a fermé ses portes au grand public pour se consacrer à des activités en ligne sous le nom de Coinhouse. Pour ses créateurs, ce « boulevard du bitcoin » n’est pas pour autant un échec définitif puisque son but principal était de corriger l’image sulfureuse de cette devise. « Plus on était nombreux à soutenir le bitcoin, plus il allait être accepté par le plus grand nombre. » Pour Adli Takkal-Bataille, cofondateur du Cercle du coin, payer en bitcoin était à l’époque « surtout symbolique », presque un acte politique.
Bitcoin City
A Arnhem, aux Pays-Bas, le scénario n’est pas différent. En 2014, Patrick Van der Meijde convainc quelques restaurants et bars locaux d’accepter la monnaie numérique par le biais de l’application qu’il a lui-même développée. Nommée BitKassa, elle permet au client de régler en bitcoin et au commerçant de recevoir des euros. « Au début on me regardait comme si j’étais un vendeur de drogue », confie-t-il. En 2018, une centaine de commerçants, dont Burger King, se sont prêtés au jeu, faisant de Arnhem la « première “ville bitcoin” du monde ». Le succès fut encore une fois de courte durée. Cette année, seuls 40 commerces continuent d’accepter ce mode de paiement. Avant la pandémie, en février 2019, la ville totalise 2 300 euros de paiements mensuels en bitcoin. La seule différence c’est qu’aujourd’hui « tous les commerçants sont très contents de recevoir des bitcoins », assure Patrick Van der Meijde.
L’or de demain
Car, entre-temps, la monnaie des bas-fonds est devenue le nouvel « or numérique ». En octobre, Paypal annonçait que sa plate-forme allait accepter les cryptomonnaies. Depuis, le cours de plusieurs d’entre elles n’en finit pas de monter. Au moment de l’écriture de ces lignes, le bitcoin a pris 5 %, dépassant les 20 000 dollars à plusieurs reprises. « Le terme cryptomonnaie n’est plus très adapté, c’est plutôt un actif financier », précise Romain Saguy, directeur marketing de Coinhouse. Au total, cette monnaie a augmenté de 175 % en 2020. « Le bitcoin pourrait faire concurrence à l’or comme monnaie alternative dans les prochaines années », ont annoncé les analystes de JP Morgan en novembre. Malgré son impressionnante volatilité, le bitcoin devient ainsi le placement du futur pour de plus en plus d’investisseurs. Faire ses courses de Noël avec s’apparenterait ainsi à payer avec un lingot d’or qui grossit ou rétrécit au fil des secondes.
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