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Cession du groupe M6 : Groupe Arnault et Xavier Niel prétendants probables
Le groupe M6
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Cession du groupe M6 : Groupe Arnault et Xavier Niel prétendants probables

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La prochaine cession du groupe M6, qui inclut RTL, par Bertelsman attise les convoitises. Altice, TF1, CMI, et Vivendi seraient sur les rangs. Un tandem composé de Groupe Arnault et de Xavier Niel a également fait connaître son intérêt à l’actionnaire allemand.

D’ici l’été, Bertelsmann, actionnaire de M6 avec 48 % des actions, aura choisi le repreneur de ce groupe de télévisions et de radios qu’il vend. M6 et RTL seront alors cédées ou fusionnées avec un concurrent. Comme cela est d’usage dans la maison Bertelsmann, Thomas Rabe, le P.-D.G. du groupe allemand, préfère nouer des contacts directs avec les éventuels acheteurs plutôt que de mandater une banque d’affaires qui sélectionnerait les candidats au rachat. « La maison est suffisamment outillée pour cela, commente un familier de la question. Les banques seront retenues quand Bertelsmann aura fait son choix ». Cette procédure présente l’avantage de mettre les banques en concurrence et de poursuivre les négociations dans la discrétion tout en démentant les informations divulguées car les procédures officielles de cession ne sont pas lancées.

Cela n’empêche naturellement pas la presse de faire déjà état de quatre acheteurs potentiels : Altice de Patrick Drahi, TF1, CMI (N.D.L.R. : actionnaire de Marianne), et enfin Vivendi. Le cercle de ces prétendants se serait récemment élargi puisqu’un tandem formé de deux beaux-frères extrêmement puissants aurait commencé à regarder le dossier : Antoine Arnault et Xavier Niel. L’intérêt que Groupe Arnault porte à M6 est déjà très ancien. Cette candidature éventuelle ne constitue donc pas une surprise pour les initiés. Bernard Arnault, le père d’Antoine, a été membre du conseil de surveillance de M6 de février 2004 à 2008, comme « administrateur indépendant » date à laquelle il a laissé la place à sa fille Delphine, à la tête d’une fortune de 4 milliards d’euros, épouse de Xavier Niel. Un homme qui vaut lui, près de 5,5 milliards d’euros. Delphine Arnault est restée au conseil jusqu’en 2018 et il serait bien étonnant qu’elle n’ait pas partagé, pendant les dix années où elle a été administratrice, quelques informations sur le potentiel du groupe M6 avec son mari.

Nicolas de Tavernost, patron de M6 avait ainsi expliqué à Libération le 29 octobre 2009, la présence de la famille Arnault dans son conseil. « Les membres du conseil disposent d'une très grande expérience qu'ils mettent au service de M6. Bernard Arnault nous a donné beaucoup de conseils judicieux mais il n'avait pas tellement le temps et Delphine Arnault est une fille astucieuse. »

M6 dans le pôle média de groupe Arnault

Dans une note du 3 mars dont nous avons eu connaissance, ODDO BHF a donc naturellement intégré la famille Arnault comme acheteur potentiel, confirmant les rumeurs du marché. « Nous estimons probable que Groupe Arnault et Xavier Niel étudient cette opération. Une telle opération permettrait à Groupe Arnault de poursuivre ses investissements dans les métiers en parallèle de sa prise de participation dans Lagardère SCA. »

Bernard Arnault a pris position dans cette société tout en prenant les commandes de la société en commandite qui contrôle le groupe Lagardère. Arnaud Lagardère ne peut rien refuser au patron de LVMH depuis que celui-ci s’est porté garant de ses dettes devant le Crédit Agricole. Dans l’hypothèse où Arnaud Lagardère finirait par accepter l’offre transmise par les avocats d’échanger la disparition de la commandite contre un paquet d’actions vendues à un niveau supérieur au cours de Bourse actuel, gageons que Bernard Arnault ne l’appuiera que s’il y retrouve son compte. Comme le pense cet analyste financier, il n’abandonnera pas « les nouveaux métiers » auxquels il s’intéresse. Il ne lâchera pas Hachette, Paris Match et le JDD car ces actifs complètent le puissant groupe de presse écrite qu’il contrôle (Les Échos, Le Parisien Aujourd’hui en France, Challenges). Un tel pôle offrirait au groupe M6 de nouvelles perspectives de développement si son fils et son gendre parvenaient à mettre la main dessus.

L’alliance des "beaufs" pour contourner la réglementation

Le dépôt d’une offre conjointe comme celle de Groupe Arnault, portée par Antoine et de Xavier Niel « permettrait, selon ODDO BHF, de respecter la loi des 49 % (part maximale d’un actionnaire autorisée par la loi dans une chaîne de TV française, N.D.L.R.) ».

La loi du 30 septembre 1986 interdit, en effet, à un opérateur de franchir cette limite et il ne semble pas que celle-ci puisse être modifiée avant le 30 juin prochain, date à laquelle Bertelsmann souhaiterait que toutes les offres soient déposées. Ce qui incite, par exemple, un groupe comme TF1 à réfléchir à deux fois avant de se lancer dans l’opération. Antoine Arnault et Xavier Niel ne se sentent pas entravés. Rien ne les empêche de reprendre la part de Bertelsmann puis d'acquérir tout ou partie des 43 % d’actions flottantes sur le marché. Ils peuvent le faire en toute légalité et en ont les moyens. Il leur suffit d’acquérir M6 sur la base de deux entreprises différentes, Groupe Arnault d’un côté, Iliad Free, de l’autre. Aucun pacte d’actionnaires ne sera aussi solide que les liens familiaux qui les unissent et qu’ils ne pourront jamais rompre tant leur puissance financière est gigantesque. Cela leur confère une garantie et un avantage qu’aucun autre candidat en lice ne peut offrir.

Le genre de beauté que Thomas Rabe apprécie. Ces deux-là cochent toutes les cases pour le patron de Bertelsmann qui a récemment confié qu’il préférerait céder M6 à des sociétés susceptibles de rivaliser avec des groupes américains. S’ils veulent l’emporter, Groupe Arnault et Xavier Niel trouveront, une nouvelle fois, sur leur chemin Vincent Bolloré via Vivendi. De quoi pimenter encore davantage le dossier Lagardère ou ces deux camps en pleine boulimie de média s'affrontent et dont la conclusion reste encore à écrire.

Combat de titans

Chez Bolloré, pas question de jeter l’éponge. Arnaud de Puyfontaine, président du directoire de Vivendi, se montre combatif. « Il existe certaines contraintes réglementaires sur lesquelles travaille Vivendi mais en termes de développement stratégique, c'est une opportunité (M6) que nous étudions de près. » Vivendi planche, selon lui, de près sur une possible cession par le groupe Bertelsmann de sa participation de contrôle dans M6.

Ce combat des titans de la finance va, sans nul doute, faire flamber le prix de cession du groupe M6. On parle déjà d’une valeur comprise entre 2 et 2,5 milliards d’euros. Une prix qui valorise un peu moins de dix fois les 276 millions d’euros de résultat net de 2020. « C’est le prix de l’entreprise sauf à considérer que la télévision gratuite disparaîtra à la fin de la décennie », commente ce banquier d’affaires.

Pour la Bourse, cet afflux de candidats représente une excellente affaire. « La concurrence pour M6 devrait être forte, avec un effet positif sur la valorisation ou la parité de fusion, affirme ODDO. Nous appliquons dorénavant une prime spéculative, évaluée à 17%. Avec un potentiel de hausse de 47 %, M6 est la valeur la plus attractive de l'univers TV. »

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne