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Qui est Daniel Kretinsky, le milliardaire qui a mis la main sur Editis et vise Casino?

En montant au capital du groupe Casino et en rachetant Editis, le magnat tchèque des médias étend son empire dans la distribution et l'édition, ciblant des secteurs en difficulté ou sous-côtés.

Ce lundi 24 avril, l’homme d’affaires d’origine tchèque Daniel Kretínský frappé un grand coup. Sa société EP Global Commerce vient de proposer au distributeur Casino, dont il est déjà actionnaire, une augmentation de capital de 1,1 milliard d'euros qui pourrait mener à un changement de contrôle du groupe.

L’édition, sa nouvelle prise

Dans le même temps, le milliardaire a confirmé sa volonté de racheter le groupe d’édition Editis à Vivendi. Le mois dernier, Vincent Bolloré, l’actionnaire majoritaire du groupe, avait été contraint de vendre cette filiale pour s’emparer du groupe concurrent français Hachette, plus compétitif à l'international.

Daniel Kretínský étend ici ses investissements dans son empire commercial français, entamés en 2018 dans la presse.

"Empereur du charbon"

Son parcours a débuté en République Tchèque, pays d’origine de cet avocat né au sein d’une famille francophile qui a étudié le droit à Dijon. En 2009, il devient le président d’EPH, une entreprise de production et de distribution d’énergie thermique, et rachète des centrales à charbon en Europe, persuadé qu’elles ont de l’avenir. C’est ici un schéma qu’il répètera maintes fois: cibler des secteurs sous-côtés et y lancer des opérations financières de grande ampleur.

En 2019, il finalise la reprise des activités françaises de l’énergéticien allemand Uniper, rebaptisées "GazelEnergie". Depuis, l’"empereur du charbon" - c’est le surnom qu’il gagné - a acheté deux centrales à charbon en France, Saint-Avold (Moselle) et Gardanne (Bouches-du-Rhône), mais aussi deux parcs solaires et six parcs éoliens. L’énergie reste sa poule aux oeufs d’or: en 2021, sa holding EPH a engrangé près de 19 milliards de chiffres d’affaires, dont 2 milliards pour le seul marché français.

Ces gains lui ont d’ailleurs permis d’obtenir les 43 millions d’euros nécessaires pour mettre la main sur le château du Marais, au Val-Saint-Germain en Essonne.

La distribution, une vision de long terme

Avant de s’attaquer à Casino, le milliardaire avait déjà investi en novembre 2022 dans le grossiste allemand Metro via sa société EP Global Commerce. En mars, il a porté à 25 % sa participation dans le groupe Fnac-Darty, spécialisé dans la distribution de biens culturels et d’électroménager et d'électronique, devenant au passage son principal actionnaire.

Également par l'intermédiaire de sa société luxembourgeoise Vesa Equity Investment, il a acheté une partie des actions de groupes postaux au Royaume-Uni (Royal Mail), et aux Pays-Bas (Post NL). Il possède aussi une participation dans le réseau de supermarchés britanniques Sainsbury's.

L’homme d’affaires semble jouer l’investissement de long terme dans des groupes en apparence peu performants - Fnac-Darty accusait une perte nette de 32 millions d’euros en 2022, et Casino annonçait en mars dernier 316 millions d'euros de pertes et pour une dette globale de plus de 6 milliards fin 2022.

Assise médiatique

Les médias resteront longtemps son principal investissement, d’abord en République Tchèque avec sa holding Czech Media Invest (CMI), qui détient actuellement trois quotidiens. En 2018, il débarque sur la scène médiatique française en rachetant notamment les titres Marianne, Elle, Télé 7 Jours et Franc-Tireur.

Daniel Kretínský prend ensuite la main sur les parts que possède le financier Matthieu Pigasse dans la société Le Monde libre, actionnaire du quotidien Le Monde. Cette arrivée fera grand bruit au sein de la rédaction qui y est opposée. Elle impose finalement que tout changement de contrôle de la direction du Monde soit soumis à un "droit d'agrément", c'est-à-dire un droit de veto de tous les actionnaires du journal afin de garantir son indépendance éditoriale.

En janvier 2022, ce francophile auto-revendiqué annonce un prêt de 15 millions d’euros sans condition pour renflouer les caisses de Libération. Mais quelques mois plus tard, la Société des rédacteurs du magazine Marianne l’accuse d’"ingérence", affirmant qu’il a tenté de modifier la une du journal en faveur de l’alors candidat à la présidentielle Emmanuel Macron.

Côté télévision, Daniel Kretínský a lancé en 2020 la chaîne B Smart, spécialisée dans l'économie et la vie des entreprises. Depuis fin 2021, il possède aussi des parts au capital de TF1, via son entreprise Vesa Equity Investment.

Le Tchèque a depuis racheté le trimestriel Usbek & Rica, et racheté des parts du studio de podcast Louie Media. Après avoir convoité le média vidéo web Brut, il lorgnerait aujourd’hui sur son concurrent Loopsider.

Lucie Lequier