Sites pornos: Dorcel teste une solution de double anonymat pour contrôler l'âge de l'internaute

Un tiers des mineurs consultent chaque mois au moins un site pornographique, selon une étude de Médiamétrie publiée le 25 mai. Pour éviter de telles consultations, le Ministère du numérique annonçait début mars vouloir expérimenter une solution de vérification d'âge en "double anonymat" afin de bloquer l'accès des mineurs aux sites pornos. Le double anonymat est en cours de test par des sites et des tiers de confiance, dont le groupe Dorcel, indique Le Figaro.

Depuis 2021, cinq sites sont poursuivis par l'Arcom dont Pornhub pour ne pas avoir respecté la loi de 2020 qui les oblige à vérifier, grâce à des outils concrets, l'âge de ses internautes avant leur accès au site. Le 7 juillet, le tribunal judiciaire de Paris doit décider si l'accès à ces cinq sites doit être bloqué.

"En 2023, c'est la fin de l'accès aux sites pornographiques pour nos enfants", avait lancé le ministre délégué à la transition numérique Jean-Noël Barrot début février.

Cette solution de double anonymat repose sur un "tiers de confiance" c'est-à-dire que la vérification est effectuée par un service extérieur au site. Cela peut être un opérateur télécom, un fournisseur d'identité numérique ou tout autre organisme susceptible d'attester de la majorité d'une personne sans que le lien ne puisse être fait avec le site pornographique.

Expérimentation avec une société marseillaise

Sans communiquer l’identité de l’utilisateur, ce tiers de confiance doit en réalité confirmer au site pornographique que ce dernier est majeur, afin d’autoriser la connexion. A noter que ce système de double anonymat repose sur les recommandations de la CNIL.

Après des essais avec différents tiers de confiance, le groupe Dorcel va tester la solution GreenBadg, une entreprise marseillaise fondée il y a deux ans avec 100.000 euros d'investissement. 10.000 visiteurs seront ainsi concernés.

"Nous avons bâti notre solution avec les autorités dont l'Arcom", précise Jacky Lamraoui, fondateur de GreenBadg auprès de Tech&Co.

Pour consulter le site Dorcel et prouver son âge, l'utilisateur doit, pour cela, s’inscrire sur GreenBadg. Il lui est alors demandé de fournir une pièce d’identité et un selfie vidéo. Une vérification de la pièce d’identité dont la date de naissance est extraite, et de la correspondance entre la photo et le selfie vidéo, est réalisée par IDNow (anciennement Ariadnext).

"Concrètement, GreenBagd est l'interface technique et la vérification de la majorité est faite par IDNow. Le selfie vidéo est une comparaison faciale par intelligence artificielle. La dernière validation est faite par un humain", indique le fondateur de GreenBagd.

Une fois la vérification établie, l'utilisateur reçoit un badge valable trois ans. Ensuite, l'utilisateur n'aura plus qu'à scanner un QR Code sur le site concerné pour certifier de sa majorité. Les données récoltées par GreenBagd sont hébergées sur Clever Cloud.

La solution GreenBagd va s'étendre au-delà des sites pornographiques comme des sites de vente de CBD ou d'alcool précise son fondateur. "L'idée est d'en faire un badge multi-usage".

Dans les faits

Mais cette solution de double anonymat se heurte à plusieurs difficultés. Le parcours utilisateur est rallongé. Ensuite, la mise en place de cette solution repose sur la bonne volonté des plateformes pour nouer des partenariats avec ces tiers de confiance et de créer un protocole de vérification uniquement dédié aux internautes français.

Comme le rappelait la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) en 2022, la sollicitation de ces tiers de confiance n’est pas sans risque: ces entreprises auraient alors en leur possession une base de données regroupant des pièces d’identité et des listes de sites pornographiques consultés.

Autre difficulté qui concerne l'encadrement: les sites basés à l'étranger et moins importants que les géants du secteur continuent à offrir un accès à tous les internautes, sans vérification d’âge. Le double anonymat est également facilement contournable en installant un VPN.

De son côté, le groupe Dorcel plaide pour des solutions moins strictes sans double anonymat avec une simple vérification d'identité ou une empreinte bancaire.

Le gouvernement va confier à l'Arcom le pouvoir d'ordonner, sans le concours d'un juge, le blocage par les opérateurs et le déréférencement des sites pornographiques qui n'empêchent pas les mineurs d'accéder à leur contenu.