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Paris sportifs: l’Autorité nationale des jeux met en garde Sorare, qu’elle envisage de réguler

Le service français, basé sur l’achat spéculatif de cartes de football virtuelles, pourrait être considéré comme une plateforme proposant des paris sportifs déguisés.

La rentrée devrait être agitée pour Sorare. Comme l’a appris BFM Business, l’Autorité nationale des jeux (ANJ) a adressé une mise en garde à la jeune entreprise, à l’origine de la plus grosse levée de fonds (680 millions de dollars) de la French Tech. D’ici à l’automne, Sorare, valorisée 4,3 milliards de dollars, devra prouver qu’elle n’est pas une plateforme de paris sportifs déguisés.

Pour comprendre l’accusation qui pèse contre Sorare, il faut revenir sur son fonctionnement: les clients peuvent acheter des cartes virtuelles (dont la propriété prend la forme d'un NFT), plus ou moins rares, associées à un joueur de football, afin de spéculer sur leur hausse selon l’évolution de la notoriété de ce dernier.

L'achat des cartes en question

Ils utilisent ensuite ces mêmes cartes pour participer à des tournois virtuels, qui font gagner des récompenses en fonction des statistiques des joueurs associés aux cartes, dans les véritables matchs. Par exemple en cas de but ou de passe décisive. C’est cet usage qui cristallise les doutes de l’ANJ.

“Sont réputés jeux d'argent et de hasard et interdits comme tels toutes opérations offertes au public, sous quelque dénomination que ce soit, pour faire naître l'espérance d'un gain qui serait dû, même partiellement, au hasard et pour lesquelles un sacrifice financier est exigé de la part des participants” précise l’article L320-1 du Code de la sécurité intérieure.

Une définition à laquelle pourrait correspondre l’activité de Sorare, qui vient de recruter Kylian Mbappé comme investisseur et ambassadeur, aux yeux de Frédéric Guerchoun, directeur juridique de l’ANJ.

“Pour qu’il existe un jeu d’argent, il faut une offre faite au public, un gain en nature ou en numéraire, ainsi qu’un sacrifice financier. À nos yeux, le sacrifice financier tel que l’entend la jurisprudence, c’est une dépense. Or dans le cas de Sorare, il est impératif d’acheter des cartes pour participer” estime Frédéric Guerchoun, auprès de BFM Business.

Cette notion de sacrifice financier n'est pas perçue de la même manière par Sorare, qui défend le fonctionnement de sa plateforme.

"En l’état des lois actuelles, notre analyse est que Sorare ne rentre pas dans le périmètre des réglementations des jeux de hasard. [...] Sur Sorare, Il n’y a pas de notion de mise ou de sacrifice financier, en fonction d'un événement sportif. Lorsqu’une carte Sorare est jouée dans notre jeu de fantasy, elle n’est jamais perdue. Cette carte peut être jouée 1 fois ou 500 fois, lors de la première saison comme lors de la dixième saison" se défend l'entreprise, auprès de BFMTV.

Grosses conséquences potentielles

Le régulateur français n’est toutefois pas le seul à voir d’un mauvais œil l’activité de Sorare. En octobre 2021, l’équivalent britannique de l’ANJ a ouvert une enquête sur la jeune entreprise, pour ces mêmes raisons.

“Nous avons effectué une mise en garde et demandé des informations à cette entreprise. Nous avons déjà reçu une série d’arguments de leur part, sur lesquels nous conservons de sérieux doutes. Nous attendons de voir à la rentrée ce que les représentants de Sorare vont nous présenter. Si cette difficulté venait à persister, nous serions amenés à prendre une position” prévient le cadre de l’ANJ, qui rappelle notamment le pouvoir de blocage de l’institution.

Pour Sorare, cette menace pourrait peser lourd. Le droit français interdit les jeux d’argent, malgré certaines exceptions comme le casino, ou les paris sportifs. Si l’achat de cartes virtuelles pour gagner de l’argent sur la base de performances sportives est caractérisé comme un pari sportif, Sorare devrait alors soumettre une demande à l’ANJ pour devenir opérateur agréé en ligne, au même titre que Betclic, Winamax et consorts.

En plus de faire face à une fiscalité plus importante, Sorare devrait alors contrôler l’identité de chaque utilisateur, et interdire l’accès aux mineurs (ce qui est déjà le cas d'après ses conditions d'utilisation). Ce qui pourrait avoir de lourdes conséquences sur le nombre d’utilisateurs actifs de la plateforme, et sur sa rentabilité.

https://twitter.com/GrablyR Raphaël Grably Rédacteur en chef adjoint Tech & Co