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Politique

Gabriel Attal, ministre des Comptes publics : « Nous ferons la réforme des retraites »

EXCLUSIF - Le ministre des Comptes publics dévoile les pistes d’économie du projet de loi de finances pour 2023. Pour Gabriel Attal, « une majorité existe » au Parlement sur la réforme des retraites mais, en dépit d’un dialogue inédit avec les oppositions, il estime « probable » l’utilisation du 49.3.

Sarah Paillou, Emmanuelle Souffi etDavid Revault d’Allonnes , Mis à jour le
Gabriel Attal, ministre délégué chargé des Comptes publics, samedi à Bercy.
Gabriel Attal, ministre délégué chargé des Comptes publics, samedi à Bercy. © Éric Dessons/JDD

Ramener le déficit public à 3 % du PIB en 2027, cela reste toujours un objectif réaliste ?
Avec le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, nous présenterons lundi un budget de protection. Protection du pouvoir d’achat des Français avec le bouclier tarifaire, qui bloquera la hausse des factures de gaz et d’électricité à 15 % au lieu de 120 %, et baissera l’impôt sur le revenu de 6,2 milliards d’euros, soit un gain de plus de 200 euros pour quelqu’un payé 2 000 euros net par mois. Budget de protection, aussi, pour nos comptes publics, puisque nous tenons les 5 % de déficit en 2023, indispensable étape au redressement de nos comptes.

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Cette année, la charge de la dette nous coûte 18 milliards de plus que prévu. C’est deux fois le budget de la Justice

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Mardi, le taux d’intérêt de l’emprunt français à dix ans a atteint un record, à plus de 2,5 %. Quelles conséquences pour nos finances ?
Dans les prochaines semaines, nous franchirons le seuil de 3 000 milliards d’euros de dette. Cette année, la charge de la dette nous coûte 18 milliards de plus que prévu. C’est deux fois le budget de la Justice. En 2023, la dette nous coûtera 51,7 milliards d’euros. Tout cela nous rappelle une réalité : si nous voulons garder une capacité à investir pour les services publics et la protection des Français, nous devons être responsables.

Comment réduire la dépense publique ?
Sur le quinquennat, nous prévoyons de réduire le poids de la dépense publique de 57,6 % à 53,8 % du PIB, un niveau d’ambition inédit depuis vingt ans. L’an prochain, la dépense de l’État et de ses opérateurs baissera de 2,6 % en volume par rapport à 2022. Nous réduirons notamment de 8 milliards d’euros les dispositifs du plan de relance, et le budget de la Sécurité sociale prévoit des économies fortes dans plusieurs secteurs : la biologie médicale, l’imagerie et l’intérim médical. Un autre levier important est le renforcement de la lutte contre la fraude et les abus. Par ailleurs, le cœur de notre stratégie reste l’activité économique : nos réformes pour l’emploi, à travers la formation, l'assurance chômage et les retraites, renforcent nos marges de manœuvre.

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Si chacun restait cohérent avec ses convictions et ses engagements, une majorité existerait sur le sujet des retraites au Parlement

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La réforme des retraites est-elle vraiment nécessaire ?
Oui, nous ferons la réforme des retraites. Notre régime est déficitaire. Nous nous sommes engagés à monter la retraite minimale à 1 100 euros, à aider nos aînés à adapter leur logement, mais aussi à investir dans l’Éducation en revalorisant de 10 % les salaires des enseignants, à recruter 3 000 policiers et gendarmes l’an prochain… Tout cela, il faut le financer. Or, nous ne voulons pas augmenter les impôts, ni faire exploser la dette que les générations futures devront payer tôt ou tard. Les nouveaux droits, l’amélioration de nos services publics, cela passe par l’activité. « Travailler plus pour vivre mieux », en somme. Je préfère dire la vérité aux Français, même si elle peut parfois être difficile à entendre.

Lire aussi - Retraites : comment la majorité se divise sur un passage de la réforme par voie d'amendement

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En ajoutant un amendement au budget de la Sécurité sociale, ou plus tard ?
Ce point sera tranché par le Président et la Première ministre. Mais quelle que soit la solution retenue, une chose est sûre : les partenaires sociaux et le Parlement seront au cœur des débats. On gagne toujours à dialoguer. Mais pour cela, il faut être plusieurs. Or je constate que beaucoup, à gauche et parmi les syndicats, rejettent les constats et le principe même d’un allongement de la durée de travail, à rebours de ce qui se fait partout autour de nous. Se donner du temps est utile, si chacun joue franc jeu. Je note par ailleurs que plusieurs candidats à l’élection présidentielle, notamment celle des Républicains, se sont engagés là-dessus. Si chacun restait cohérent avec ses convictions et ses engagements, une majorité existerait sur le sujet au Parlement.

La pression est-elle donc sur le groupe LR ?
La pression viendrait surtout, j’imagine, de leurs électeurs, qui ont voté pour un programme comprenant une réforme des retraites.

Combien rapporterait un recul de l’âge de départ à la retraite ?
Je n’ai rien de nouveau à dire que ce qui a été indiqué durant la campagne présidentielle : 8 milliards d’euros à l’horizon 2027. Mais c’est sans compter le relèvement du minimum vieillesse, la prise en compte de la pénibilité au travail… qui sont des dépenses ­supplémentaires. C’est donc un gain brut.

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Leur suppression des régimes spéciaux reste d’actualité

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Allez-vous vous attaquer aux régimes spéciaux ?
Leur suppression faisait partie du programme du Président. Elle reste donc d’actualité.

Ne redoutez-vous pas un hiver conflictuel ?
Aucun pays n’investit autant que la France pour protéger. C’était le cas durant la crise Covid. Ça l’est aujourd’hui face à la flambée des prix. Sans les mesures que nous avons prises, nous aurions un taux d’inflation supérieur de trois points. Évidemment, des difficultés et des inquiétudes demeurent pour beaucoup de Français. Mais je crois que chacun mesure l’effort inédit qui est fait. Et il a un coût.

Vous avez évoqué la lutte contre la fraude fiscale : quelles mesures prévoyez-vous ?
Selon l’Insee, la fraude à la TVA nous coûte 23 milliards d’euros par an. Dans le cadre des dialogues de Bercy, les parlementaires nous ont appelés à agir : nous allons donc donner la capacité aux services de l’État de retirer le numéro de TVA d’une entreprise en cas de forts soupçons de fraude. Nous allons aussi avancer vers la facturation électronique entre entreprises, une révolution qui a permis à l’Italie, par exemple, de récupérer 2 milliards d’euros dès les premières années.

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Ces arrêts délivrés en visio par un médecin qui n’est pas le médecin traitant ne seront plus remboursés par la Sécurité sociale

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Et contre la fraude sociale ?
Les députés, notamment côté LR et majorité, ont là aussi dit leur souhait d’aller plus loin. Nous allons renforcer les pouvoirs des cyber-enquêteurs des caisses de la Sécurité sociale. Ils pourront, par exemple, repérer un professionnel qui ne déclare qu’une activité salariée mais propose ses services en indépendant sur Leboncoin sans les déclarer… Les fraudeurs n’écoperont plus seulement d’une amende, mais devront aussi régler leurs frais de dossier, car les Français en ont marre de payer pour eux. Enfin, on a constaté une explosion des arrêts maladie donnés, en téléconsultation, par un professionnel qui n’est pas le médecin traitant. Ce sont près de 100 millions d’euros l’an dernier. Ces arrêts délivrés en visio par un médecin qui n’est pas le médecin traitant ne seront plus remboursés par la Sécurité sociale, afin d’éviter que certains enchaînent les consultations en ligne jusqu’à trouver celui qui voudra bien leur délivrer un arrêt maladie.

Le Parlement a voté cet été un budget pour créer la carte Vitale biométrique. Où en est-on ?
Des tests vont être lancés dès cette année sur certains territoires.

Quels autres changements sont nés des dialogues de Bercy avec les oppositions ?
Le sujet de la rénovation énergétique est revenu très fortement. Nous allons donc augmenter plus fortement encore que prévu le budget de MaPrimeRénov', qui atteindra 2,5 milliards d’euros. Et nous travaillons, avec les parlementaires de tout bord, à un décret pour un nouveau barème qui incite davantage aux rénovations globales des passoires thermiques plutôt qu’aux travaux ponctuels. Car nous n’avons pas atteint notre objectif de 80 000 rénovations fin 2021 : on était à 2 500.

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L’allégement des droits de succession se fera sur le quinquennat

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Allez-vous alléger la fiscalité sur les droits de succession ?
C’était un engagement de campagne du président de la République. On ne l’a pas inscrit dans le budget 2023 pour des raisons budgétaires. Ce choix n’est pas un renoncement. L’allégement des droits de succession se fera sur le quinquennat. Nous sommes prêts à écouter les propositions des différents groupes parlementaires afin de démarrer une réflexion dès 2023. Mais encore faut-il qu’elles s’accompagnent d’économies. À ce stade, les propositions des oppositions sont peu nombreuses en la matière. Notre responsabilité avec Bruno Le Maire, et sous l’autorité de la Première ministre, c’est d’éviter une dérive de nos finances publiques.

Les députés s’inquiètent aussi des finances des collectivités territoriales…
Nous avons mis en place pour cette année un filet de sécurité de 430 millions d’euros. Et nous donnons des garanties pour l’avenir : la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises [CVAE] sera compensée par des recettes dynamiques de TVA, c’était leur demande forte. J’ai aussi été alerté sur la réforme de l’actualisation des valeurs locatives, qui devait entrer en vigueur l’an prochain. En l’état, elle augmenterait les impôts des commerces de centre-ville et favoriserait les hypermarchés, à rebours de nos objectifs. Nous allons donc suspendre son application. Les parlementaires ont aussi porté le sujet de la défense de nos forêts.

Les avez-vous entendus ?
Oui, les idées émises seront reprises. Une aide exceptionnelle de 1 million d’euros sera mise en place pour lutter contre les scolytes [des insectes responsables de la mort de milliers d’arbres], ainsi qu’un dispositif fiscal pour inciter communes et propriétaires privés à replanter. On présentera aussi un amendement pour suspendre les réductions d’emplois à l’Office national des forêts.

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On a une majorité relative, mais une responsabilité absolue

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Malgré ces avancées, le recours au 49.3, qui permet l’adoption d’un texte sans vote, est-il inévitable ?
Les oppositions ont reconnu que ces échanges étaient utiles. Je suis pourtant lucide : pour des raisons de principe, de symbole politique, elles n’envisagent pas de voter le budget. Mais les symboles politiques n’ont jamais rempli le frigo des Français, ni fait baisser les prix à la pompe, ni recruté des policiers supplémentaires… Ça laisse peu de suspense sur l’issue, puisque nous avons une majorité relative. Les oppositions elles-mêmes nous ont dit que le 49.3 était probable. En tout état de cause, la France ne peut se passer d’avoir un budget.

N’est-ce pas risqué politiquement ?
On a une majorité relative, mais une responsabilité absolue : que les Français soient protégés et que notre pays ne soit pas empêché. Dans les moments difficiles que va connaître la France, nous avons besoin de responsabilité collective. Puisque les « dialogues de Bercy » ont fonctionné, je lance « l’appel de Bercy » ! J’appelle les entreprises à se saisir des nouveaux outils pour augmenter la rémunération des Français, et du chèque carburant à partir de janvier. J’appelle les collectivités territoriales à ne pas fissurer le bouclier pouvoir d’achat en faisant exploser les taux de la fiscalité locale, alors même que nous maintenons leurs dotations et apportons des aides exceptionnelles pour les plus fragiles. J’appelle les organisations syndicales à se mettre autour de la table pour garantir la pérennité de notre modèle social et notre capacité à financer nos retraites. J’appelle les oppositions à chercher les compromis plutôt que les clivages.

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À La France insoumise, les engagements pour les droits des femmes passent au second plan derrière le culte du chef

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Allez-vous accroître les moyens consacrés à l’égalité femmes-hommes, grande cause nationale ?
Le budget du ministère aura doublé sur les deux quinquennats d’Emmanuel Macron. C’est un investissement massif à un moment où l’on découvre que, pour certaines formations politiques, le féminisme a surtout été un produit d’appel électoral.

Justement, que pensez-vous du traitement par les Insoumis de l’affaire Quatennens ?
Aucun parti n’a le monopole du vice, aucun n’a le monopole de la vertu. Ces enjeux traversent la société tout entière. Mais on voit bien que les engagements pour les droits des femmes à La France insoumise passent au second plan derrière le culte du chef. Il y a eu, encore en fin de semaine, des propos terriblement choquants. La violence n’est pas une gradation, c’est une spirale. Elle commence par des mots, elle finit par des coups. Le moindre geste envers une femme doit être dénoncé sans aucune ambiguïté ni complaisance. Aucune gifle ne peut être relativisée.

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