Tech&Co
Tech

Pourquoi les géants du porno en ligne pourraient quitter la France

Les propriétaires de géants du porno comme Youporn ou Pornhub évoquent un arrêt de leurs activités dans l’Hexagone, en raison de l'obligation de vérifier l’âge des internautes.

Face au libre accès des contenus pornographiques en ligne, le gouvernement durcit le ton: dans son projet de loi "visant à sécuriser et réguler l’espace numérique", désormais entre les mains du Sénat, l'exécutif souhaite que l’Arcom (ex-CSA) puisse ordonner le blocage de sites pornographiques ne vérifiant pas l’âge des internautes. Certains d’entre eux, dont Pornhub, sont déjà poursuivis depuis de longs mois et pourraient être bloqués par la justice, début juillet.

Pas de solution technique

Depuis 2020, la loi impose en effet à tous les sites diffusant des contenus pornographiques de contrôler l’âge des internautes, en utilisant un outil respectueux de la vie privée. Autrement dit: sans demander aux internautes une pièce d’identité, par exemple grâce à de potentiels "certificats de majorité" générés par son opérateur téléphonique ou sa banque. Mais à ce jour, la loi n’est respectée nulle part, faute de solution technique existante.

Ce 16 juin, le fonds d’investissement propriétaire de Mindgeek, qui possède notamment les sites Pornhub et Youporn, a évoqué la possibilité de quitter la France, face à l’impossibilité de se conformer à la loi. Sur Twitter, le ministre délégué au numérique Jean-Noël Barrot a de son côté répondu que des solutions permettant de vérifier l’âge des internautes "existent", sans toutefois préciser lesquelles.

Le gouvernement a lancé des tests d’outils de vérification d’âge en mars 2023, sur lesquels il n’a pas communiqué depuis. En février 2023, la Cnil avait de son côté estimé qu’il pourrait être acceptable d’utiliser des solutions imparfaites, comme l’utilisation d’une carte bancaire, ou une analyse algorithmique des traits du visage pour estimer l’âge de l’internaute. Une solution vis-à-vis de laquelle la Cnil s’était pourtant montrée réservée en 2022, en raison des risques d'enregistrements vidéo et de chantage à la webcam.

Ruée sur les VPN?

Pour l’heure, faute de solution technique harmonisée, les grandes plateformes de l’industrie pornographique pourraient préférer renoncer au marché français. La procédure judiciaire entamée par l’Arcom en 2022 pourrait d’ici là aboutir à une interdiction de fait de Pornhub et Youporn - qui figurent parmi les principaux sites visés - dans l’Hexagone.

Concrètement, la justice imposerait aux fournisseurs d’accès à Internet de bloquer l’accès à ces géants du porno en ligne. Une hypothèse qui pourrait toutefois ne pas être suffisante pour empêcher les mineurs d’accéder à des contenus réservés aux adultes: malgré le blocage d’une poignée de plateformes, des milliers d’autres resteraient disponibles.

Par ailleurs, et comme l’assure le fonds propriétaire de Mindgeek, les internautes pourraient se tourner massivement vers les VPN, qui permettent de simuler une connexion depuis un pays étranger. Ou tout simplement vers une modification des DNS pour remplacer cet outil d'aiguillage des sites internet de leur fournisseur d’accès à Internet par celui d’un tiers.

Mais les sites spécialistes de la pornographie ne sont pas les seuls à diffuser des contenus réservés aux adultes. C’est également le cas de Twitter, seul grand réseau social à autoriser des photos et vidéos pornographiques. Selon la nouvelle loi poussée par le gouvernement, la plateforme d’Elon Musk devrait elle aussi mettre en place une vérification d’âge, où quitter le pays.

https://twitter.com/GrablyR Raphaël Grably Rédacteur en chef adjoint Tech & Co