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Société

Au Salvador, les bandes criminelles cèdent enfin du terrain

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Des détenus soupçonnés d'appartenance au gang Mara 18 au palais de justice de San Salvador, le 6 février 2020
Des détenus soupçonnés d'appartenance au gang Mara 18 au palais de justice de San Salvador, le 6 février 2020
AFP - MARVIN RECINOS

Les bandes criminelles ultraviolentes, connues sous le nom de "maras" et qui sèment la terreur au Salvador, ont été obligées de céder du terrain face aux opérations de police et de l'armée ordonnées par le jeune président Nayib Bukele, arrivé pouvoir en juin 2019, constatent les spécialistes.

"Le recul simultané de plusieurs fauteurs de violence est notable", relève Jannette Aguilar, une chercheuse de l'Université Centro-américaine (UCA) qui étudie les "maras" depuis plus de deux décennies.

Il y a notamment des indices qu'un "accord a été conclu entre les principales bandes" rivales, Barrio 18 et Mara Salvatrucha (MS-13), faisant baisser le nombre d'affrontement et de règlements de compte, ajoute-t-elle.

"Il y a quelque chose qui se passe au sein même des gangs qui provoque une baisse des niveaux de violence", perçoit également Carlos Carcach, un chercheur de l'Ecole supérieure d'économie et de commerce.

Les "maras" salvadoriennes comptent environ 70.000 membres, dont plus de 17.000 sont derrière les barreaux. L'activité de ces gangs se concentre essentiellement sur le racket et le trafic de drogue.

Le Salvador (près de 6,5 millions d'habitants) est l'un des pays les plus dangereux au monde, hors zone de conflit armé, avec un taux annuel de 35,6 meurtres pour 100.000 habitants en 2019, pour la plus grande part en relation avec l'activité criminelle des "maras".

Pourtant, ces statistiques morbides sont en net recul par rapport à l'année antérieure, quand le taux s'était établi à 51 meurtres pour 100.000 habitants.

La "tendance" à la baisse des homicides est nette depuis 2016, selon Jannette Aguilar.

Et la baisse s'accentue : il n'y a eu en janvier "que" 119 meurtres, soit "moins que jamais depuis la (fin de) la guerre civile" début 1992, s'est félicité le président Bukele.

Un détenu, membre présumé du gang Mara 18, attend enchaîné dans le palais de justice de San Salvador, le 6 février 2020 (AFP - MARVIN RECINOS)
Un détenu, membre présumé du gang Mara 18, attend enchaîné dans le palais de justice de San Salvador, le 6 février 2020 (AFP - MARVIN RECINOS)

Arrivé au pouvoir le 1er juin 2019 à l'âge de 38 ans, le chef de l'Etat jouit d'une forte popularité, en grande partie grâce à sa politique de lutte contre la criminalité.

Selon une enquête de l'UCA en janvier, 63,1% des Salvadoriens pensent que la violence a diminué l'année dernière dans le pays, contre 6,9% qui croient qu'elle a augmenté, et 30% pour qui la situation n'a pas changé.

- Un "effet Bukele" ? -

Dans les semaines qui ont précédé la prise de fonction du président Bukele, les gangs ont redoublé leur activité criminelle. Selon les spécialistes, les "maras" voulaient ainsi contraindre le pouvoir à négocier, pour notamment assouplir les conditions de détention de leurs chefs.

Mais le gouvernement a répliqué en intensifiant au contraire les mesures de contrôle des chefs de gangs emprisonnés, coupant leurs communications avec les malfaiteurs en liberté qui ont dû, de leur côté, subir dans les rues une plus forte répression des forces de police, soutenues par l'armée.

Des détenus soupçonnés d'appartenance au gang Mara 18 arrivent au palais de justice de San Salvador, le 6 février 2020 (AFP - MARVIN RECINOS)
Des détenus soupçonnés d'appartenance au gang Mara 18 arrivent au palais de justice de San Salvador, le 6 février 2020 (AFP - MARVIN RECINOS)

"Le message est clair : les gangsters savent désormais que s'ils défient le président, la pression va s'accentuer sur les chefs emprisonnés", explique l'analyste Juan Ramon Medrano, professeur à l'université Francisco Gavidia.

"Aujourd'hui, le gouvernement a repris le contrôle des prisons du pays", s'est félicité le ministre de l'Intérieur Rogelio Rivas.

Pour Juan Ramon Medrano, la population sent que la police et l'armée sont "plus engagées" et travaillent en "plus grande intelligence" pour lutter contre les bandes criminelles.

Mais un problème reste à régler : pour le moment "le racket et les extorsions de fonds n'ont pas diminué, alors que cela constitue l'oxygène (financier) des maras", déplore le spécialiste.

"C'est le grand défi du président : mettre un terme aux extorsions de fonds", insiste-t-il. Il lui faut également "aller à la racine du problème", en donnant aux "jeunes des perspectives de travail et d'études", asséchant ainsi les sources de recrutement des "maras".

Pour l'universitaire, si la violence est en baisse, il sera peut-être possible de faire des investissements sociaux dans les communautés les plus pauvres du pays, y compris celles où vivent les familles des gangsters.

Le recul des bandes criminelles pourrait ainsi être à la base de "la mise en oeuvre de programmes de développement de (ces) communautés, en leur destinant des fonds de programmes sociaux", souligne l'universitaire.

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