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EXCLUSIF - Canal+ fait la paix avec le cinéma français

La filiale de Vivendi et la filière française du septième art sont parvenues à un accord qui permet à Canal de rester le principal financeur et diffuseur des films tricolores. Moyennant plus de 200 millions d'euros sur trois ans reconductibles tacitement.

Le cinéma français est à la base du modèle généraliste de Canal+.
Le cinéma français est à la base du modèle généraliste de Canal+. (Canal+/Manchester Films)

Par Nicolas Madelaine

Publié le 2 déc. 2021 à 10:46Mis à jour le 2 déc. 2021 à 18:15

Calumet de la paix. Canal+ et la filière cinéma français sont finalement parvenus à s'entendre sur un accord qui va permettre à la chaîne du groupe Vivendi de rester le principal financeur et diffuseur du septième art sur le petit écran pour quelques années encore. L'accord entre Canal et le BLIC, le BLOC et l'ARP, les organisations de la profession, a été officialisé ce jeudi. De cet accord devrait enfin découler au début de l'année prochaine une nouvelle chronologie des médias , ce mécanisme qui distribue aux différents médias (plateformes de vidéo à la demande, chaînes de télévision payantes, plateformes de chaînes gratuites, etc.) les exclusivités plus ou moins fraîches sur le septième art en fonction des financements qu'ils lui consacrent.

Canal+ et sa chaîne dédiée Ciné+ vont ainsi distribuer environ 190 millions d'euros par an à l'industrie du cinéma français et ce pendant trois ans, reconductibles tacitement. Un montant forfaitaire et donc désormais indépendant des performances commerciales de la chaîne, notamment de son nombre d'abonnés. Une somme à laquelle il faudra ajouter les montants payés par les chaînes gratuites du groupe Canal et, selon nos informations, un contentieux de quelques dizaines de millions à payer au cinéma sur trois ans.

Au total, les sommes consacrées au septième art français par la filiale de Vivendi vont dépasser les 200 millions d'euros par an, sans compter les investissements de son studio, StudioCanal. Dans la dernière ligne droite, Canal aurait obtenu que les chaînes gratuites ne puissent pas proposer plus de dix films à un instant « t » sur leur plateforme de rattrapage. « C'est l'aboutissement d'une négociation professionnelle qui confirme la place de Canal aux côtés du cinéma », se félicite Alain Sussfeld, d'UGC.

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Menaces

Après avoir menacé de se transformer en plateforme dédiée aux séries puis de se scinder en deux services - sport et fiction - afin de réduire l'assiette de ses obligations, Canal+ sécurise son accès au cinéma à la base de son modèle généraliste. Un accord qui apparaît stratégique à un moment où il n'est pas exclu que le football français disparaisse de ses antennes au profit d'autres sports comme le rugby ou les sports mécaniques. Et le partenariat entre la chaîne et le cinéma français est d'autant plus important que les studios américains vont de plus en plus réserver leurs films à leurs plateformes.

L'accord revêt une importance toute particulière cette année . Les plateformes étrangères Netflix, Disney+, Amazon Prime Video - et bientôt, sans doute, HBO Max à partir de la fin de l'année prochaine - doivent en effet désormais participer au financement de la création française, et en particulier du cinéma - entre 50 et 80 millions d'euros par an environ attendus -, depuis la transposition de la directive SMA européenne. En contrepartie, le gouvernement poussait pour qu'elles puissent diffuser les films pas trop longtemps après leur sortie en salles, contre trois ans aujourd'hui.

Canal+, premier diffuseur payant du septième art depuis sa création en 1984, craignait de devoir continuer de financer massivement le cinéma français sans pour autant bénéficier d'un net avantage par rapport aux plateformes en termes de chronologie des médias.

Diffuser les films six mois après leur sortie en salles

L'accord trouvé va permettre à Canal+ de diffuser les films six mois après leur sortie en salles (contre huit mois aujourd'hui) et d'en garder l'exclusivité pendant neuf mois. Les plateformes comme Netflix qui doivent encore conclure un accord avec le monde du cinéma pourront, elles, diffuser les films quinze mois après la sortie en salles, au lieu de douze initialement envisagés.

Sans accord avec Canal+ et donc avec moins de financement de sa part, la filière du cinéma se serait retournée vers les plateformes et aurait poussé pour une diffusion des films douze mois après leur sortie en salles, contre davantage de financement. L'enjeu pour le septième art français était que l'entrée des plateformes dans le système de l'exception culturelle ajoute du financement des nouveaux entrants, plus qu'elle n'en retire des acteurs traditionnels. Cela devrait être le cas : 50 à 60 millions supplémentaires sont attendus, sachant qu'OCS devrait continuer son financement à hauteur de 20 millions. L'autre avantage est que le septième art dépendra moins de la filiale de Vivendi.

« Etanchéité des fenêtres »

Pour boucler cette réforme de la chronologie des médias encore plus douloureuse que celle de 2018 , il reste à régler le cas les chaînes gratuites qui financent elles aussi le septième art d'une façon non négligeable. Elles pourraient devoir diffuser les films - notamment américains - qu'elles achètent alors qu'ils seraient en même temps disponibles sur les plateformes - notamment Disney+ -, fortes de leur nouvelle position dans la « chrono ». Les fenêtres de diffusion des gratuites ne seraient plus « étanches ».

Certains estiment que si les TF1 et M6 veulent que les pouvoirs publics acceptent leur fusion, elles vont devoir accepter des fenêtres de diffusion dégradées. « Si l'accord est scellé entre le cinéma et Canal+, un arrangement sera trouvé avec les chaînes hertziennes », estimait récemment un connaisseur du dossier. Le cas de France Télévisions est différent, la chaîne étant publique et se définissant comme alliée du cinéma, comme l'a rappelé récemment Delphine Ernotte lors des rencontres de l'ARP. Un accord entre la filière cinéma et Netflix doit encore être finalisé, peut-être cette semaine, avec notamment des critères de diversité dans les investissements. Mais le coeur de la chronologie des médias est, encore cette année, l'accord avec Canal. Il n'y a donc plus d'obstacles insurmontables.

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Les entrées en salle au plus haut depuis 2020

Peu à peu, les cinémas français retrouvent des couleurs. En novembre, les salles obscures ont enregistré près de 14,5 millions d'entrées, soit le meilleur niveau sur un mois depuis février 2020, selon l'indicateur mensuel publié jeudi par le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC). Sur les onze premiers mois de l'année - et alors que les salles n'ont rouvert qu'au mois de mai après une longue période de fermeture due à la pandémie -, le box-office dépasse les 75 millions de billets vendus. C'est une augmentation de 15,4 % par rapport à la même période en 2020, mais cela reste très loin des niveaux record atteints en 2019. En effet, novembre est généralement un mois bénéficiant d'une offre de films riche et d'une demande favorisée par la saisonnalité (jours fériés, vacances scolaires) et près de 6 millions d'entrées manquent à l'appel par rapport à novembre 2019.

Nicolas Madelaine

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