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Les autres pays européens sont-ils aussi menacés de coupures d’électricité ?

D’après un rapport du réseau européen des gestionnaires de réseau de transport d’électricité, la France et l’Irlande sont les plus à risques de pannes. Des inquiétudes existent également en Grande-Bretagne, en Suède et en Finlande.
par Jacques Pezet
publié le 8 décembre 2022 à 6h55

La France, confrontée à une indisponibilité historique de son parc nucléaire, est-elle le seul pays d’Europe a être menacé de possibles délestages cet hiver ? Dans un rapport publié ce 1er décembre, évaluant la sécurité de l’approvisionnement en électricité pour l’hiver à venir, le Réseau européen des gestionnaires de réseau de transport d’électricité (Entsoe) indique que «les principales tensions sur les systèmes sont identifiées en Irlande, en France, dans le sud de la Suède, en Finlande, à Malte et à Chypre».

L’association? qui regroupe 42 gestionnaires de réseau de transport d’électricité de 35 pays d’Europe a testé plusieurs scénarios. Pour une «demande normale» cet hiver, la carte suivante présente l’indice LOLE (Loss of Load Expectation – la prévision de perte de charge) qui est le critère de défaillance du réseau électrique. Le document indique le nombre d’heures cet hiver durant lesquelles les ressources disponibles en électricité ne seront pas suffisantes pour couvrir l’ensemble de la demande. Elles montrent principalement des risques d’abord en France, puis en Irlande.

L’Irlande, deuxième pays le plus à risque après la France

Ces possibles défaillances en Irlande ont été confirmées au mois d’octobre par un rapport prévisionnel d’EirGrid, l’opérateur public de transport d’électricité en Irlande : «On s’attend à ce que le système passe en état d’alerte à certains moments, très probablement lors de périodes de faible vent et de faibles importations par interconnexion» et qu’«il y a une forte probabilité que le système entre dans l’état d’urgence à certains moments, en raison d’une production insuffisante pour répondre à la demande» Dans un règlement de 2017, l’Union européenne avait défini cet état d’alerte comme étant «l’état [...] dans lequel le réseau se situe dans les limites de sécurité d’exploitation», insuffisant toutefois pour que, en cas d’aléas, «les actions correctives disponibles [soient] suffisantes pour maintenir l’état normal». L’état d’urgence correspond à «l’état du réseau dans lequel une ou plusieurs limites de sécurité d’exploitation sont franchies».

Selon les calculs pour l’hiver d’EirGrid, «la fin novembre à la mi-décembre et le début janvier à la mi-février» seront les périodes durant lesquelles les tensions entre l’offre et la demande d’électricité seront les plus fortes. Les Irlandais pourraient être privés d’électricité durant quatre heures au total cet hiver, même si l’entreprise se veut prudente et indique que cela «ne signifie pas nécessairement que les consommateurs seront privés d’approvisionnement pendant une période quelconque». Elle écarte également le scénario d’une panne généralisé, estimant qu’il n’y a «aucun risque» de perte totale de contrôle du système électrique «quelles que soient les circonstances cet hiver».

Le gouvernement irlandais a réagi à ces prévisions d’octobre en cherchant à rassurer sa population. Reconnaissant que «personne ne peut exclure la possibilité de pannes d’électricité pendant l’hiver», le vice-Premier ministre irlandais, Leo Varadkar, a voulu «dire aux familles, aux propriétaires, aux entreprises ou aux exploitations agricoles que les chances qu’une panne ou une panne prolongée les affecte sont très faibles». Il tout de même averti : «Si nous entrons dans le scénario d’alerte rouge, alors, les gros consommateurs d’énergie seront les premiers touchés, comme les centres de données, qui ont leur propre capacité de production. Mais il faut que de nombreux événements se conjuguent pour qu’il y ait une coupure de courant dans les foyers et les entreprises.»

La situation risquée en Irlande n’est pas nouvelle. Quand, au mois d’août, des prévisions annonçaient la possibilité de coupures sur le réseau électrique, la presse irlandaise rappelait que les raisons de cette détérioration s’expliquaient par une hausse de la demande, notamment vers les centres de données des entreprises installées en Irlande, mais aussi par une dépendance à l’énergie éolienne et aux importations du Royaume-Uni. En raison de la guerre en Ukraine, le risque d’une baisse des importations d’énergie, couplée à de faibles vents, pourrait donc causer du tort à l’île.

Inquiétudes en Suède et Finlande à cause du nucléaire

Dans une moindre mesure, les prévisions du Réseau européen des gestionnaires de réseau de transport d’électricité pointent des risques en Suède et Finlande. Sur son site, l’agence suédoise de l’énergie explique que la situation est liée à une détérioration de l’approvisionnement ces dernières années, la demande mondiale de gaz naturel dépasse l’offre. La fin des importations européennes de gaz russe a également entraîné une hausse des prix. En septembre dernier, l’annonce de l’arrêt opérationnel prolongé de la centrale nucléaire Ringhals 4 a encore aggravé la situation de l’approvisionnement en électricité. L’agence suédoise prévient que des coupures d’électricité dans des zones spécifiques peuvent avoir lieu en cas de pénurie.

Coincée entre la Russie, dont elle n’importe plus d’électricité et la Suède, qui se trouve dans une situation délicate, la Finlande reconnaît que l’hiver s’annonce compliqué. Dans un communiqué publié ce 1er décembre, l’agence de l’énergie finlandaise «estime qu’une pénurie d’électricité à court terme est possible à l’hiver 2022-2023, mais considère que la probabilité d’une pénurie prolongée d’électricité est faible». Mais, devant leur dépendance aux importations de ses deux voisins et la «grande incertitude» liée à la mise en service de l’EPR Olkiluoto 3, plusieurs fois reportée et désormais prévue pour janvier 2023, les autorités encouragent les Finlandais à éviter «toute consommation d’électricité inutile, en particulier pendant les heures de pointe».

Concernant les inquiétudes citées pour Chypre, le Réseau européen des gestionnaires de réseau de transport d’électricité explique qu’«il est peu probable que Chypre connaisse des problèmes» cet hiver, mais qu’en raison de son isolement, des problèmes de disponibilité électrique pourraient avoir lieu en cas de pannes non planifiées et de conditions météorologiques défavorables.

Des coupures de trois heures au Royaume-Uni dans le pire scénario

Ne faisant pas partie du Réseau européen des gestionnaires de réseau de transport d’électricité, la Royaume-Uni est absente de l’évaluation continentale. Cependant, National Grid, le gestionnaire britannique du réseau d’électricité et de gaz du pays produit son propre rapport prédictif pour la période allant d’octobre 2022 à mars 2023. Confirmant que l’île devrait faire face à une saison difficile, l’agence estime dans son «scénario de base» qu’il devrait «y avoir des marges suffisantes» cet hiver pour garantir que le pays «reste dans la norme de fiabilité».

Les Britanniques imaginent également «un scénario du pire», dans lequel ils ne pourraient pas importer suffisamment de gaz et de l’électricité. Dans ce cas alors, des coupures d’électricité pourraient avoir lieu «probablement entre 16 et 19 heures le soir, les jours de semaine où il fait vraiment, vraiment froid en janvier et février», avait fait savoir John Pettigrew, le patron du National Grid, mi-octobre, lors d’une conférence organisée par le Financial Times.

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