Streaming illégal : pourquoi l’IPTV pourrait devenir l’ennemi numéro 1 des plates-formes de VOD

Échaudés par des abonnements de plus en plus chers, des utilisateurs de Netflix ou Disney + se tournent vers l’IPTV, une technologie illégale d’accès à des chaînes et à des films ou séries pour quelques dizaines d’euros. Les autorités préparent la riposte.

De plus en plus de Français se tournent vers un système d'IPTV illégal.
De plus en plus de Français se tournent vers un système d'IPTV illégal.

    Outil quasi magique pour les uns, menace redoutable pour les diffuseurs. Ces dernières années, l’IPTV (Internet Protocol TeleVision) s’est progressivement installé sur les écrans des ménages français. La version illégale de cette technologie permet d’avoir accès aux chaînes télévisées mais aussi à un large choix de contenus payants, issus notamment des plates-formes comme Disney +, Amazon Prime ou Canal +. Alors que Netflix a annoncé ce mardi la fin du partage de compte, le phénomène, encore dur à quantifier, pourrait se massifier avec davantage de spectateurs tentés par cette option illégale.



    D’autant qu’année après année, l’usage de l’IPTV s’est simplifié, passant d’un outil réservé aux pirates 2.0 à une manipulation (presque) accessible à tous et sans matériel supplémentaire. Certains services sont même disponibles sur smartphones à travers des applications à télécharger sur l’App Store d’Apple ou le Play Store de Google.

    Adrien en a entendu parler par le bouche à oreille. Un premier contact sur WhatsApp lui a présenté tous les « packs » et lui a proposé un essai gratuit d’une semaine. « Ils ont réussi à mutualiser toutes les plates-formes et leurs catalogues de films et séries dans un même lieu avec un moteur de recherche très efficace », souligne ce cadre parisien. Convaincu, il paye 80 euros via PayPal pour un abonnement annuel et reçoit un identifiant et un mot de passe. Il lui suffit alors d’installer une application, légale elle, sur sa TV connectée pour profiter d’un flux vidéo à la demande. Le SAV des IPTV s’est professionnalisé et il existe même un groupe sur la messagerie chiffrée Telegram où une équipe de marketing vante… la fiabilité. Une véritable industrie s’est créée autour de ces services illégaux avec des petites mains et des réseaux.

    « L’IPTV reste mineure en France et est fournie par 5 à 10 mafias internationales qui disposent de revendeurs locaux », explique Hervé Lemaire, patron de LeakID, une PME spécialisée dans la protection des contenus. « Ils brassent beaucoup d’argent tout en tuant la création. Toutes les polices du monde et les autorités prennent le sujet très au sérieux », pointe cet expert de la protection des ayants droit. La police néerlandaise a, par exemple, démantelé il y a deux jours, avec l’aide d’Europol, un réseau de pirates qui fournissaient un service d’IPTV illégal à plus d’un million d’utilisateurs européens.

    Les têtes pensantes des réseaux résident souvent hors des frontières européennes et il est alors plus simple de débrancher le service à distance. « L’IPTV n’est pas utilisée au même niveau que les sites de streaming illégaux ou le téléchargement mais nous avons déjà des moyens et une législation pour lutter contre ce phénomène encore minoritaire », prévient Pauline Blassel, directrice générale adjointe de l’Arcom en charge de la lutte contre le piratage. « Nous pouvons bloquer plus vite et plus fort les listes de diffusions, c’est-à-dire le flux vidéo et isoler les revendeurs de leurs potentiels clients », assure-t-elle.



    L’Arcom estime que 5 % des internautes français ont recours aux services illicites de l’IPTV. Un taux de pénétration faible qui pourrait enfler avec la hausse du prix des abonnements légaux ou si les autres plates-formes comme Disney ou MyCanal suivent l’exemple de Netflix et facture un supplément.

    Une pratique illégale non sans risque et parfois sans garantie. Les cybercriminels peuvent d’abord faire payer un abonnement fantôme et, évidemment, sans possibilité de remboursement. Deuxième risque pour le consommateur : une sanction pénale et pécuniaire. De plus en plus de dossiers de simples contrevenants sont transmis à la justice. Finie l’époque du courrier d’avertissement de l’Hadopi qui n’était pas suivi de sanction. L’utilisation de l’IPTV est considérée comme une complicité de piratage avec sa peine maximale : 3 ans de prison et 300 000 euros d’amende. Le plus probable restant une amende salée qui dépasse un abonnement annuel à un service légal de streaming.