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Après les fuites constatées sur Nord Stream, quelles sont les autres installations à risque?

Installation d'un câble internet sous-marin reliant Singapour à la France - Mardi 1er Mars 2016

Installation d'un câble internet sous-marin reliant Singapour à la France - Mardi 1er Mars 2016 - Pictanovo

Le sabotage des gazoducs fait craindre pour les câbles sous-marins utilisés pour l'Internet ou l'électricité. La guerre hybride en marge d'un conflit de haute intensité se mène désormais dans les abysses.

Avec le sabotage des gazoducs Nord Stream 1 et 2, la guerre hybride vient de commencer. Désormais, l'inquiétude se porte sur d'autres infrastructures sous-marines. Les continents sont reliés entre eux par des câbles optiques de l'Internet ou des lignes électriques qui passent sous les mers. S'ils étaient endommagés, un chaos sans précédent affecterait de nombreux pays du monde et l'Europe en particulier.

Carte des câbles sous-marins
Carte des câbles sous-marins © Telegeography

Environ 99% des communications électroniques intercontinentales transitent par les câbles sous-marins. On compte plus de 400 lignes sous-marines qui constituent un maillage de 1,3 million de kilomètres. Le plus long fait 3900 km pour relier l’Asie du Sud-Est à l’Europe de l’Ouest via la mer Rouge. Jean-Luc Vuillemin, directeur des réseaux internationaux d'Orange, prévient qu'en cas de coupure, il n’y aurait tout simplement plus d’internet en Europe.

La crainte d'un blackout d'Internet

Ces réseaux permettent d'accéder au réseau pour se divertir, consommer, mais surtout pour faire transiter les transactions financières comme le Swift (Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunications). Plus de 10.000 milliards de dollars passent par ces lignes sous-marines. Si elles étaient sectionnées, les pertes financières sur plusieurs jours créeraient un désastre économique qui s'ajouterait à la crise énergétique et alimentaire causée par la guerre en Ukraine. Autre source d'inquiétude, le renseignement qui utilise ces lignes pour échanger des informations stratégiques à la sécurité des Etats.

Ces dispositifs sont surveillés de près et en permanence par les vaisseaux de la marine des pays européens d'autant que depuis plusieurs années des navires militaires Russes ont été aperçus près des côtes irlandaises par où passent ces autoroutes de l'information.

En août 2021, au large de l’Irlande, le Yantar, un navire russe "océanographique" utilisé pour des missions de renseignement a suivi le tracé des câbles sous-marins de télécommunications Celtic Norse et AEConnect-1 qui relient l’Irlande aux États-Unis. C'est par eux que transitent la presque totalité des communications mondiales et des transactions financières. A son bord, un mini sous-marin capable de plonger à 6000 mètres de profondeur.

"Les fonds marins sont un nouveau terrain de rapport de forces qu'il nous faut maîtriser pour être prêt à agir, à se défendre et, le cas échéant à prendre l'initiative, ou du moins, à répliquer", indiquait en mars dernier l'ex-ministre des Armées Florence Parly en présentant les ambitions françaises dans les fonds marins.

Menace sur les cables électriques

L'autre cible dont on parle moins pourrait être les câbles électriques sous-marins qui permettent d'acheminer de l'électricité d'un pays à l'autre. Il y a tout juste un an, la liaison la plus longue du monde, 720 kilomètres, est entrée en service entre la Norvège et le Royaume-Uni. Ce mode de distribution a le vent en poupe pour fournir ou échanger de l'électricité entre différents pays.

Des projets sont en cours depuis la France vers l'Espagne, l'Irlande ou le Maroc, entre la Grèce et Israël ou entre la Norvège et le Danemark qui veulent échanger de l'énergie hydraulique contre celle produite par des éoliennes selon les saisons.

Dans un article de The Economist, Christopher Guérin, patron de Nexans, estime que 72.000 km de câbles de ce type seront posés d’ici à 2030, soit sept fois le stock actuel. Et désormais, l'ensemble de ces infrastructures est menacé par des sabotages qui accentueront la crise énergétique.

Le sabotage des gazoducs sous-marins en mer Baltique confirme les craintes d'une guerre hybrides au fond des mers. Et malgré la surveillance accrue, les charges explosives auraient pu être placées il y a des mois ou des semaines pour être déclenchées à distance au moment opportun, comme l'explique Daphné Benoit, correspondante défense de l'AFP et présidente de l'Association des journalistes défense (AJD).

"C'est le propre de la guerre hybride qui consiste à allier des moyens conventionnels, comme en Ukraine, et des moyens qui sont plus dans la zone grise pour intimider ou envoyer des messages difficilement attribuables", expliquait hier sur France 5 Daphné Benoit.

Un sabotage des câbles Internet ou électrique pourrait être considérés comme un acte de guerre, mais dans ces situations, il serait difficile de les attribuer à un Etat, même si la Russie serait le principal suspect.

Pascal Samama
https://twitter.com/PascalSamama Pascal Samama Journaliste BFM Éco