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EXCLUSIF. Will Cathcart, le patron de WhatsApp, au JDD : "L'application restera gratuite"

INTERVIEW - Will Cathcart, responsable de WhatsApp dans le monde, veut rassurer les Français sur la protection de la vie privée. Il détaille comment il veut accompagner les petites et grandes entreprises et fait le point sur les nouveautés.

Marie-Pierre Gröndahl, Cyril Petit , Mis à jour le
Will Cathcart donne au JDD sa première interview en France.
Will Cathcart donne au JDD sa première interview en France. © DR

Will Cathcart, 38 ans, est responsable de WhatsApp dans le monde. Nommé en mars 2019 par Mark Zuckerberg, le PDG de Facebook, maison mère de l'application aux deux milliards d'utilisateurs, il livre dans le JDD sa première interview en France. Confidentialité et fonctionnalités : il revient notamment sur les critiques récentes concernant le partage des données personnelles. Le responsable explique également que WhatsApp veut être davantage qu'une messagerie : "A l'avenir, il sera possible de commander et de payer sur l'application", annonce-t-il ainsi.

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En janvier, des utilisateurs se sont inquiétés de l’annonce de nouvelles conditions d’utilisation de WhatsApp craignant une remise en cause de la confidentialité. Certains ont même quitté l’application. Que répondez-vous?
Je le réaffirme fortement : nous n’avons rien modifié concernant la confidentialité des messages de nos utilisateurs. Ni WhatsApp ni personne ne peut voir les messages que vous envoyez, ou écouter les appels que vous passez. Nous n’avons manifestement pas été assez clairs dès le départ sur ce sujet. C’est une des raisons pour laquelle nous lançons cette semaine une campagne d’information en France.

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Vous n’avez pas été clairs ou vous avez fait machine arrière face aux inquiétudes?
Nous reconnaissons que nous n’avons pas fait preuve de suffisamment de pédagogie sur ce qui changeait, à savoir la possibilité pour les utilisateurs d’échanger des messages avec de grandes entreprises sur WhatsApp. Nous aurions surtout dû être plus clairs sur ce qui n’a pas changé, à savoir la confidentialité des messages de nos utilisateurs.

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Les informations personnelles sont les plus sensibles de toutes, voilà pourquoi nous faisons le choix du chiffrement de bout en bout

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Quel est l’objectif de cette campagne?
La France est un pays très important pour nous. Nous avons donc réfléchi à la façon dont nous pourrions rassurer nos utilisateurs en leur expliquant ce que signifie le chiffrement de bout en bout et comment nous protégeons leur vie privée.

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Combien en comptez-vous en France?
Nous ne donnons pas de chiffres par pays, mais WhatsApp est très populaire en France et a vu son nombre d’utilisateurs progresser au cours des dernières années. Au niveau mondial, nous avons plus de 2 milliards d’utilisateurs qui, plus que jamais pendant la pandémie, ont utilisé WhatsApp pour rester en contact alors qu’on ne pouvait voir personne.

Revenons sur la confidentialité : quelle est votre stratégie en matière de protection de la vie privée?
Nous sommes convaincus que les informations personnelles sont les plus sensibles de toutes. Voilà pourquoi nous faisons le choix du chiffrement de bout en bout : si vous envoyez un message à quelqu’un, ou si vous l’appelez, personne ne peut voir ce que vous avez écrit ni entendre ce que vous avez dit, pas même WhatsApp. C’est fondamental! Que ce soit pour assurer la sécurité des journalistes et préserver la confidentialité de leurs échanges avec leurs sources, ou pour protéger des activistes, des lanceurs d’alerte, les défenseurs des droits de l’homme – en particulier dans de nombreux États dépourvus de systèmes démocratiques. Et c’est important pour tout un chacun que les informations envoyées via un service comme WhatsApp soient privées : elles peuvent concerner votre santé, vos photos, vos détails financiers et bancaires, votre vie professionnelle… À ce titre, elles doivent être sécurisées. C’est la principale préoccupation de nos utilisateurs.

Avez-vous perdu des utilisateurs après la controverse sur la confidentialité?
Depuis que nous avons commencé à expliquer clairement notre démarche, celle-ci a été comprise et acceptée par la très grande majorité de nos utilisateurs. La sécurité offerte par le chiffrement de bout en bout est parfaitement comprise en France, où le droit à la vie privée est protégé depuis longtemps. À l’inverse, dans certaines parties du monde, l’existence même d’un service d’échange sécurisé fait face à une opposition massive.

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À l’avenir, il sera toutefois possible de commander et de payer sur WhatsApp

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Des messageries comme Signal ou Telegram ont-elles profité de cette inquiétude? La concurrence entre messageries s’intensifie-t-elle?
La concurrence est permanente dans notre secteur. La plupart des personnes disposent de plusieurs messageries. C’était déjà le cas auparavant. Mais il est vrai que beaucoup d’entre elles ont téléchargé une ou deux de ces applications – ou d’autres encore – suite à la mise à jour de notre politique de confidentialité. Nous sommes tout à fait conscients que chacun a le choix entre plusieurs options. Nous devons constamment gagner leur confiance et démontrer que nous proposons la solution la plus sécurisée. Telegram, par exemple, ne dispose pas d’un chiffrement de bout en bout par défaut, et n’en propose pas du tout pour les conversations de groupes. Telegram détient donc une copie de tout ce qui est dit. Ce modèle n’est pas le bon à nos yeux, car il nuit à la sécurité et à la protection de la vie privée.

Comment les données sont-elles partagées entre WhatsApp et Facebook, sa maison mère?
Cette mise à jour de notre politique de confidentialité n’a rien changé : les messages des utilisateurs ne sont jamais partagés avec Facebook. Whats­App peut voir votre liste de contacts mais ne l’utilise que pour faire fonctionner le service et ne la partage pas avec Facebook. WhatsApp connaît les groupes auxquels vous appartenez, sans jamais que ces informations ne soient utilisées à des fins publicitaires sur Facebook. Nous travaillons depuis assez longtemps ensemble pour garantir un service fiable. C’est tout.

Vous allez lancer Shops, un service de boutiques sur WhatsApp. Pouvez-vous nous en dire davantage sur cette diversification?
Certains utilisateurs préfèrent communiquer avec des entreprises via WhatsApp plutôt que de les contacter par téléphone, de se rendre sur un site Web ou d’envoyer un e-mail, ils trouvent cela plus simple. Cette tendance se développe rapidement, en particulier depuis le début de la pandémie. Nous souhaitons donc offrir des fonctionnalités supplémentaires. Nous proposons aussi une application à l’intention des petites entreprises – plus de 50 millions d’entre elles dans le monde utilisent déjà WhatsApp Business pour répondre aux messages de leurs clients. Nous avons également une interface conçue pour les grandes entreprises. Par exemple, une compagnie aérienne peut vous envoyer votre carte d’embarquement ou gérer une demande de changement de vol sans vous imposer une longue attente téléphonique. En France, des entreprises comme Carrefour, Fnac Darty, Lidl ou Nespresso utilisent déjà Whats­App pour leur service client. Vous pouvez aussi acheter directement sur "catalogue", où l’entreprise peut présenter des produits, vêtements, menus de restaurants… Cette fonctionnalité s’ajoute à celles déjà offertes par Facebook et Instagram.

 

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Il sera bientôt possible d’utiliser WhatsApp simultanément sur quatre appareils différents

 

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Concrètement, l’utilisateur pourra donc commander et payer un repas via WhatsApp?
Il est possible aujourd’hui sur WhatsApp de parcourir le menu d’un restaurant, de poser des questions et de passer la commande directement sur WhatsApp, mais vous devrez payer votre repas via le fournisseur de paiement choisi par le restaurant ou son site Web. À l’avenir, il sera toutefois possible de commander et de payer sur WhatsApp.

Quand ces boutiques et ce service seront-ils disponibles en France?
Nous sommes en période de test dans certaines zones géographiques, et n’avons pas de visibilité à ce jour quant à un lancement de cette fonctionnalité en France. Mais l’application WhatsApp Business et l’interface pour les grandes entreprises sont déjà disponibles.

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Ces services sont-ils gratuits?
Ils sont gratuits pour les particuliers, comme pour les petites entreprises. Pour les grandes entreprises qui utilisent notre interface, ils sont payants. C’est comme cela que WhatsApp génère ses revenus. Les TPE-PME qui choisissent de faire de la publicité sur Facebook ou sur Instagram ont la possibilité d’inviter leurs clients à leur envoyer des messages sur WhatsApp. C’est un excellent moyen d’aider les petites entreprises récemment créées à se familiariser avec notre univers et à améliorer leur service client.

Il y a régulièrement des rumeurs qui disent que WhatsApp pourrait devenir payant. Qu’en dites-vous?
C’est faux, WhatsApp restera gratuit.

Quelle est votre position concernant l’article 10 du projet de loi sur le renseignement en France? Selon certains observateurs, il pourrait contraindre les entreprises à affaiblir les systèmes de chiffrement ou faciliter l’accès aux messages chiffrés privés.
La protection de la vie privée de nos utilisateurs est une valeur fondamentale pour WhatsApp. D’autant plus qu’elle est menacée chaque jour davantage, alors que les vulnérabilités technologiques se multiplient. Le chiffrement de bout en bout est essentiel pour protéger les utilisateurs du piratage, de la fraude ou de la cybercriminalité. Nous espérons que le débat parlementaire permettra de clarifier le fait que les entreprises n’aient pas à affaiblir leur chiffrement. Il n’est pas réaliste d’imaginer mettre en place des portes dérobées qui ne seraient accessibles qu’à de bons acteurs. L’affaiblissement du chiffrement créerait des vulnérabilités que les criminels et les pirates informatiques pourraient exploiter. Sécuriser les systèmes de communication est donc crucial. Depuis cinq ans, nous avons toujours été de fervents défenseurs du chiffrement de bout en bout, et nous ne voulons absolument pas y porter atteinte. Au Brésil, nous avons tenu bon, même si un salarié de Facebook a été brièvement emprisonné pendant la procédure judiciaire. Et nous avons récemment intenté en Inde une action en justice pour contester une nouvelle réglementation en la matière.

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Nous avons conçu nos produits pour rendre plus difficile la propagation des fake news ou des messages de haine

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Allez-vous proposer de nouvelles fonctionnalités aux utilisateurs concernant les photos, les vidéos ou le texte?
Nous prenons désormais en charge des appels de huit personnes et nous avons récemment ajouté la possibilité de passer des appels depuis un ordinateur. Concernant les messages audio, il existe désormais une écoute en vitesse accélérée. On peut aussi choisir d’effacer automatiquement des messages, avec l’option de faire disparaître une discussion après sept jours, ou d’envoyer une photo qui ne sera visible qu’une seule fois, s’agissant par exemple de photos de documents bancaires ou de cartes de crédit. Il sera également bientôt possible d’utiliser WhatsApp simultanément sur quatre appareils différents, sans avoir nécessairement recours à un smartphone. L’iPad deviendra aussi compatible.

Pourra-t-on un jour faire des visioconférences avec un grand nombre de personnes sur WhatsApp?
Ce serait formidable, mais cela prendra encore un peu de temps.

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Comment contrôlez-vous les fake news? Les messages de haine?
Nous prenons ces sujets très au sérieux. C’est pourquoi nous avons conçu nos produits pour rendre plus difficile la propagation de ce type de messages. Un message ne peut plus être envoyé qu’à cinq discussions à la fois. Et un message transféré à de nombreuses reprises est automatiquement identifié comme tel et ne sera envoyé qu’à une personne à la fois. Nous avons signé un partenariat avec Google, afin d’expérimenter – dans certaines langues – l’accès aux options de recherche de Google pour vérifier la véracité des informations contenues dans un message. D’autres partenariats ont été mis en place, à l’image de celui avec France 24, grâce auquel l’utilisateur peut faire suivre une information pour que le média la vérifie. Ou le service en coopération avec l’OMS et plus de cent organismes de santé internationaux, pour obtenir des informations fiables sur le Covid. Dans certains pays, vous pouvez vous-même vous inscrire sur WhatsApp pour vous faire vacciner.

Qu'a changé la pandémie pour vous?
WhatsApp s’est révélé un outil précieux pour maintenir des liens et se voir en face-à-face, même s’il était impossible de se retrouver physiquement. Les gens s’en sont servis pour appeler leurs proches, des malades, des personnes en quarantaine ou à l’hôpital, pour parler aux médecins, pour se faire soigner… Certains gouvernements y ont eu recours pour communiquer ou pour diffuser des informations auprès des citoyens, comme le chatbot sur le Covid-19 mis en place par les autorités françaises dès les premières semaines de la pandémie. Cette période nous a rappelé combien échanger est essentiel à chacun d’entre nous, surtout dans une période de crise comme celle que nous traversons

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