The Exploration Company, la start-up franco-allemande qui veut révolutionner la logistique spatiale
Basée à Bordeaux et à Munich, The Exploration Company vient de lever 40 millions d’euros. De quoi accélérer le design et la commercialisation de ses premières capsules réutilisables, ravitaillables en orbite et capables de transporter du cargo vers les futures stations spatiales. La start-up veut, à terme, transporter des astronautes pour le compte de l’Europe.
Start-up et secteur spatial sont-ils enfin en train de faire bon ménage? The Exploration Company, jeune pousse créée en 2021, a annoncé mercredi 1er février avoir levé 40,5 millions d’euros. Parmi les investisseurs : les fonds EQT Ventures et Red River West, mais également la famille Dassault et Schlumberger. «C’est la plus importante levée de fonds de série A dans le secteur spatial en Europe. Une grande partie de cet argent va aller dans la finalisation du design, la production et le vol de notre prochaine capsule spatiale. Nous sommes la première entreprise au monde à développer une telle capsule sur fonds privés», se félicite Hélène Huby, sa cofondatrice et directrice générale. La société franco-allemande, qui dispose d'installations à Bordeaux (Gironde) et à Munich en Allemagne, va aussi doubler ses effectifs, passant de 50 salariés actuellement à une centaine d’ici à la fin de l’année 2023.
The Exploration Company a de quoi taper dans l’oeil des investisseurs. Fondée par des anciens ingénieurs d’Airbus ayant participé au programme Ariane et au volet européen du programme Orion de vol habité de la Nasa, The Exploration Company se positionne sur le créneau de la logistique spatiale, une capacité qui fait défaut à l’Europe spatiale. A court terme, la société ambitionne de convoyer du cargo vers les stations spatiales, avant de transporter des astronautes à partir de la prochaine décennie. «Nous sommes une entreprise de la logistique. On va apporter aux agences spatiales et aux acteurs privés tout le nécessaire pour l'activité de leurs stations spatiales: la nourriture pour les astronautes, les pièces de rechange, le fioul...», explique la dirigeante.
L'ESA, le Cnes et le DLR comme premiers clients
La société affiche une feuille de route ambitieuse. Dans les prochaines années, elle veut accélérer les tests en vol de ses différentes navettes baptisées Nyx. Cette année, elle veut faire voler sa première capsule. Il s’agit d’un modèle aux dimensions réduites (60 centimètres de diamètre pour 40 kilos de masse totale), qui permettra de valider les caractéristiques techniques du vaisseau, notamment sur le plan thermique et de sa stabilité pour effectuer une rentrée atmosphérique.
En 2024, elle envisage de faire voler un modèle plus grand (2,5 mètres de diamètre pour une masse de 1,6 tonne) capable de transporter 300 kilos de matériel, de voler dans l’espace et de ramener sa marchandise sur Terre en toute sécurité. Ce second vol embarquera des expérimentations scientifiques pour le compte de l’agence spatiale européenne, le Cnes et le DLR, l’agence spatiale allemande. En 2026 et 2027, des versions encore plus grandes, capables de transporter 4 tonnes de matériel, devraient voler et disposer in fine de la capacité de venir s’appareiller à une station spatiale. La première phase de son développement pour concevoir une capsule cargo réutilisable nécessite au global un financement de 200 à 300 millions d’euros, essentiellement à partir de fonds privés.
Un rythme de cinq vols par an à partir de 2030
Pour son développement, The Exploration Company parie sur la multiplication des stations spatiales. Grâce au nouveau programme lunaire Artemis, aux ambitions de nouveaux pays comme l’Inde et aux initiatives privées, l'espace pourrait passer de deux stations actuellement à huit stations d’ici à 2030, chacune nécessitant une dizaine de vols de ravitaillement par an. «Nous avons pour objectif de réaliser cinq vols par an à partir de 2030 ou 2032», ambitionne sa fondatrice. La société mise pour cela sur un positionnement tarifaire agressif grâce à des navettes réutilisables plusieurs fois, ravitaillables en orbite, mais aussi en tirant parti de coûts de fonctionnement plus bas que ses concurrents aux Etats-Unis, où les salaires des ingénieurs dans le spatial sont plus élevés qu'en Europe.
Le cargo n’est qu’une étape dans le développement de la société. The Exploration Company se positionne à plus long terme sur le vol habité. Aujourd’hui, l’Europe n’a pas la capacité de transporter en propre ses astronautes et dépend des Etats-Unis et des Russes. Or, compte tenu des montants en jeu et des durées de développement dans ce domaine, l’aide des Etats sera indispensable. Selon la dirigeante, il faut compter environ 2 milliards d’euros d’investissements et dix ans environ pour développer une capsule capable d’emporter cinq astronautes. «Nous partageons les risques, les bénéfices et l’ambition qui est de donner à l’Europe une capacité de vol habité dans l’exploration spatiale», affirme Hélène Huby.
Sans cette capacité, l’Europe sera condamnée à dépendre des Etats-Unis et de la Russie. Et cela coûtera de plus en plus cher aux Européens: il faut compter environ 50 millions d’euros pour envoyer un astronaute européen à destination de la Station spatiale internationale, il faudra compter 150 millions d’euros par passager pour rejoindre la future station lunaire du programme Artemis. L’Europe devrait, d’ici à la fin de l’année, préciser ses ambitions dans le domaine du vol habité.