Jean-Christophe Ravaux (Bouygues Telecom) : "Nous éteindrons notre réseau 2G fin 2026 et la 3G fin 2029"

Entretien avec le directeur Marché BtoB de Bouygues Telecom, deux ans après le début du nouveau plan stratégique de l'opérateur qui fixait des ambitions de croissance significatives sur le marché des entreprises, et notamment des PME. Cela passe par un développement des services complémentaires à la connectivité, dont le cloud.

Partager
Jean-Christophe Ravaux (Bouygues Telecom) :

En 2021, Bouygues Telecom a créé le poste de directeur Marché BtoB, occupé par Jean-Christophe Ravaux, également membre du comité de direction générale de Bouygues Telecom. Cette activité BtoB regroupe Bouygues Telecom Entreprises, les activités IoT et vente en gros, ainsi que l'Open Lab 5G. Elle compte plus de 100 000 clients en vente directe et indirecte, et emploie plus de 1800 personnes en incluant toutes les filiales.

Un an après sa prise de fonction, correspondant à l'annonce du nouveau plan stratégique de l'opérateur, et alors que l'Arcep et Bercy mettent en avant la nécessité de développer la concurrence sur le segment entreprises dans les télécoms, le directeur de la division BtoB revient sur ses objectifs et ses réalisations.  

L'Usine Digitale : En 2021, Bouygues Telecom a affiché son ambition de doubler ses parts de marché sur le BtoB fixe d'ici fin 2026. Où en êtes-vous début 2023 ?

Jean-Christophe Ravaux : Nous sommes actuellement sur cette trajectoire fixée par le plan Ambition 2026. L'idée consiste à opérer une bascule vers le monde du service à destination des PME et des ETI, en offrant, en plus de la connectivité, des services (sécurité, logiciel, cloud…) qui représentent un relais de croissance. À cet égard, nous annoncerons cette année des partenariats structurants et des acquisitions, susceptibles de nous faire gagner deux à quatre ans par rapport à notre croissance organique.

Quelles sont vos parts de marché dans le fixe et le mobile chez les clients professionnels et entreprises ?

Sur le mobile, nous pensons être numéro deux. Dans la fibre, ayant démarré plus tard, nous sommes en retrait mais en très forte accélération.

Chez les grands comptes, nous servons deux tiers du CAC 40. Nous avons gagné de beaux contrats en 2022, qui nous permettent d'être encore plus légitimes : l'Assemblée nationale, le chantier du réseau radio du futur pour lequel nous avons été retenus comme opérateur de premier rang, Abeille Assurances (ex Aviva), la Banque de France, et nous venons de signer début 2023 avec les Chantiers de l'Atlantique pour une couverture 4G évolutive 5G en outdoor, indoor et à bord des navires.

Notre positionnement est d'être "l'alternative de qualité", celle de notre réseau dans lequel nous investirons encore 1,5 milliard d'euros en 2023. Pour être compétitifs, nous avons également optimisé nos coûts, et nous avons sécurisé un approvisionnement énergétique vert avant l'explosion des prix de l'énergie.

Bénéficiez-vous des synergies avec l'activité BTP de Bouygues sur le marché entreprises ?

Il y a un a priori positif, et il nous est arrivé de faire de la co-vente avec Bouygues, mais ce n'est pas systématique. Il existe davantage de complémentarités avec Equans [dont le rachat a été finalisé par Bouygues en octobre 2022, NDLR], notamment avec la division  Villes et Territoires connectés (vidéosurveillance, parkings intelligents…). Nous réfléchissons à la manière de collaborer sur l'aspect travaux et pour de la co-vente. 

Quels sont vos objectifs dans le cloud ?

C'est pour nous un axe stratégique de croissance, avec un cœur de cible constitué par les PME-ETI. Notre structure de cloud souverain Oncloud a été constituée en mai 2021, et en octobre 2022 nous avons lancé Numspot, une offre de "cloud de confiance" en partenariat avec la CDC, Dassault-Systèmes et Docaposte. Cette technologie open source va pouvoir servir les opérateurs d'importance vitale, les secteurs de la santé, de la banque et de l'assurance, et les marchés publics. Nous possédons actuellement des datacenters dans 10 métropoles, et ce chiffre doit passer à 20 cette année.

En quoi consiste votre activité de "wholesale fixe" que vous avez indiqué vouloir développer dans le plan Ambition 2026 ?

Historiquement nous n'étions pas présents sur les marchés de gros, contrairement à Orange et SFR. Cette activité a été lancée il y a un peu plus de 18 mois. Elle commercialise des offres FTTH, FTTO [fibre dédiée à une entreprise, NDLR] et des routeurs 4G auprès des MVNO [opérateurs mobiles virtuels] notamment, et pour faire des redondances de réseau par exemple. Il s'agit d'une activité en très forte croissance. Cette année nous attaquerons aussi le marché de la connexion de datacenter et des routes à la demande.

SFR tout récemment, et Orange l'année dernière ont dévoilé leur calendrier de fermeture pour les réseaux 2G et 3G. Il y a un an le DG de Bouygues Telecom trouvait que l'échéance 2025 était trop proche et réclamait une concertation nationale. Où en êtes-vous sur le sujet ?

La fermeture de ces réseaux constitue une tendance de fond car ces technologies arrivent en bout de course. C'est pourquoi cela a du sens de réallouer ces fréquences à la 4G et la 5G pour une meilleure qualité de service. C'est le sens de l'histoire. Nous avons donc décidé, après avoir étudié l'intérêt pour nos clients, d'éteindre notre réseau 2G fin 2026 et notre réseau 3G fin 2029.

Quelles conséquences cela va-t-il entraîner pour le M2M, tous les objets connectés qui fonctionnent encore en 2G et en 3G comme les terminaux de paiement, les ascenseurs, les compteurs… ?

Il y en a encore effectivement un certain nombre dans l'automobile, beaucoup dans la télémétrie… Ce sont des secteurs dans lesquels les industriels anticipent. Leurs choix de matériels les poussent de toute façon vers cette montée en 4G et 5G. Nous sommes l'un des premiers fournisseurs des ascensoristes en Europe. Dans ce secteur, il va falloir intervenir physiquement pour changer des cartes, des boîtiers qui logent des cartes SIM. Mais souvent tout cela est anticipé dans le cadre des programmes de maintenance. Dans deux ou trois ans, lorsque les réseaux s'éteindront, les parcs seront devenus encore plus obsolètes et auront continué d'être remplacés. Nous avons le temps d'accompagner nos clients et de leur proposer des solutions de continuité, dans toute la palette des technologies disponibles.

Vous avez annoncé le déploiement de votre cœur de réseau 5G en 2023 (5G stand alone ou 5GSA). Quels services va-t-elle permettre d'apporter aux entreprises ?

Dans le cloud et la cybersécurité, nous formons des partenariats avec des entreprises comme Fortinet, Cisco, des ESN, Ericsson, des hyperscalers, pour nous adresser aux secteurs du BTP, de la logistique, du retail et de l'industrie manufacturière. La 5GSA va permettre de répondre aux problématiques business de ces secteurs. L'idée, c'est de penser une production de bout en bout, d'augmenter la productivité, de diminuer la non-qualité, de bâtir un cockpit avec des indicateurs métier, de mettre en place de l'IoT pour mesurer la production en flux tendu.

Pour cela, il faut une couverture sans faille, qui garantisse des débits de flux montant et descendant, une très faible latence et offre des possibilités de priorisation (slicing). C'est ce que permet la 5GSA. Nous pouvons mettre ceci en œuvre, en partenariat avec nos clients et les ESN. Le cœur de réseau, c'est un métier, et ce n'est pas forcément celui d'un constructeur automobile par exemple. Pour les clients grand public, cela ne changera rien. Il n'y aura pas d'effet d'éviction avec le slicing, cela ne réduira pas la qualité de service.

La facture télécom des entreprises est-elle condamnée à augmenter comme leur facture énergétique ?

Nous subissons une hausse des coûts depuis 2022, notamment salariales. Nous allons les répercuter, mais pas à la hache. Nous avons notamment mis dans nos contrats des clauses d'indexation, une pratique courante dans le BtoB mais qui ne l'était pas forcément dans les télécoms.

Mise à jour le 1/02/2023 à 9h : Bouygues Telecom compte 100 000 clients en BtoB et non 4000, en comptant tous les canaux.

SUR LE MÊME SUJET

Sujets associés

NEWSLETTER L'Usine Digitale

Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.

Votre demande d’inscription a bien été prise en compte.

Votre email est traité par notre titre de presse qui selon le titre appartient, à une des sociétés suivantes...

Votre email est traité par notre titre de presse qui selon le titre appartient, à une des sociétés suivantes du : Groupe Moniteur Nanterre B 403 080 823, IPD Nanterre 490 727 633, Groupe Industrie Service Info (GISI) Nanterre 442 233 417. Cette société ou toutes sociétés du Groupe Infopro Digital pourront l'utiliser afin de vous proposer pour leur compte ou celui de leurs clients, des produits et/ou services utiles à vos activités professionnelles. Pour exercer vos droits, vous y opposer ou pour en savoir plus : Charte des données personnelles.

LES ÉVÉNEMENTS USINE DIGITALE

Tous les événements

Les formations USINE DIGITALE

Toutes les formations

ARTICLES LES PLUS LUS