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Les principales mesures pour le numérique dans les programmes d’Emmanuel Macron et de Marine Le Pen

Tous deux disent vouloir en faire une priorité, mais leur vision diffère : le candidat LRM souhaite réguler les grandes entreprises du numérique au niveau européen, quand la candidate RN prône une « souveraineté » nationale.

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Publié le 16 avril 2022 à 09h56, modifié le 20 avril 2022 à 10h11

Temps de Lecture 6 min.

Au-delà de mesures consensuelles, comme le développement du très haut débit en France, présentes dans les deux programmes, les deux finalistes de l’élection présidentielle proposent deux visions assez différentes du numérique. Là où Emmanuel Macron, La République en marche (LRM), met l’accent sur une régulation des grandes entreprises du numérique au niveau européen, Marine Le Pen, Rassemblement national (RN), prône une « souveraineté » nationale.

Le cloud et les données personnelles

Sur la question sensible des données personnelles et, plus précisément, de l’hébergement en ligne dans le cloud, les deux candidats ont des mots d’ordre et des références similaires, mais des différences de degré ou de mise en œuvre apparaissent. M. Macron comme Mme Le Pen prônent tous deux, ainsi, la « souveraineté numérique » face à l’hégémonie d’Amazon, Microsoft et Google dans le cloud. Mais le gouvernement a autorisé mi-2021 les structures publiques (administrations, collectivités, etc.) à recourir à un modèle hybride : des données hébergées par une structure de droit européen, qui empêche un accès en vertu des lois des Etats-Unis, mais des logiciels américains. Sur cette idée se nouent actuellement des partenariats entre Orange et Microsoft ou Thalès et Google. « Nous n’avons pas, en Europe, l’équivalent des entreprises américaines. (…) Il n’est pas vrai que l’on aura quelque chose de 100 % français ou européen tout de suite. (…) En attendant, il faut assumer le fait que, pour partie, l’on va faire avec du cloud américain, que l’on peut, en revanche, réguler », a assumé le candidat LRM dans un entretien au Point.

Du côté de Marine Le Pen, on estime que ce modèle hybride est « voué à l’échec », car être « dépendant » d’entreprises des Etats-Unis ou de Chine, « c’est être à la merci de ces Etats ». Pour le cloud, les matériels informatiques, de télécommunication ou les logiciels, la candidate du RN recommande « un recours exclusif à des fournisseurs français pour la commande publique dans les domaines militaires et de sécurité nationale et, pour le reste de la commande publique, une priorité accordée à des fournisseurs européens ». C’est ce que beaucoup d’acteurs européens réclament sous le nom de « Buy European Tech Act ». Ironie du sort, Emmanuel Macron a proposé une telle mesure en 2017, en vain. « Ce n’est pas consensuel en Europe », avait expliqué au Monde le secrétaire d’Etat au numérique, Cédric O, ajoutant : « Ceux qui disent que ce sera fait dans deux ou trois ans sont des menteurs. »

Les grandes sociétés du numérique

Face aux Gafam américains ou à leurs équivalents chinois, Marine Le Pen veut aussi renforcer le contrôle des rachats d’entreprises françaises. Et n’exclut pas non plus de « s’inspirer » des mesures prises par le président Donald Trump contre le réseau social chinois TikTok : pourrait ainsi leur être imposé « une ouverture contrainte de capital à des sociétés européennes » ou « obliger les maisons mères, dont des filiales exercent en Europe à rompre le lien hiérarchique qui les unit », a-t-elle assuré dans un entretien au Point.

Sur la question plus large du pouvoir économique des géants du numérique, accusés d’écraser leurs concurrents, l’équipe de Marine Le Pen reconnaît que le futur règlement européen Digital Markets Act (DMA), fortement soutenu par la France, « va dans le bon sens ». La candidate du RN comme Emmanuel Macron prennent tous deux en exemple les Etats-Unis de Theodore Roosevelt qui, en 1911, ont démantelé la Standard Oil fondée par John D. Rockefeller. « Il ne faut pas hésiter à envisager le démantèlement des plates-formes numériques en situation de monopole », a estimé le candidat LRM. Cette possibilité est déjà prévue dans le DMA, mais plutôt comme remède ultime. « Le démantèlement est une mesure de dernier recours » mais pas « une proposition excessive ou violente », pense-t-on aussi chez Mme Le Pen.

La cybersécurité

Qualifiée par Emmanuel Macron, dans son programme officiel, de « grande menace de notre temps », la cybersécurité figure parmi les priorités pour le numérique des deux candidats. Marine Le Pen promet de renforcer « la cybersécurité nationale dans toutes ses dimensions : infrastructures, matériels, logiciels, capacités de détection d’attaques, formations spécialisées et sensibilisation du public ». En pratique, ce renforcement passerait avant tout par une augmentation des moyens de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi), de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), de l’armée, et par la création de « commandos numériques » pour, en cas d’attaque informatique, pouvoir mener des « neutralisations et contre-attaques ». Le rattachement de ces « commandos » (armée, services de renseignement, etc.) n’est pas précisé ; un dispositif similaire existe déjà au sein de l’armée, le Comcyber.

Emmanuel Macron promet, pour sa part, le recrutement de 1 500 « cyberpatrouilleurs », chargés de veiller proactivement à la sécurité informatique, mais surtout la création d’un « filtre antiarnaques » qui « avertira en temps réel tous les usagers d’Internet avant qu’ils ne se rendent sur un site potentiellement piégé ». Ce « filtre » se baserait sur une liste noire de sites réputés peu fiables, et un avertissement s’afficherait sur l’écran de l’internaute qui s’y rendrait – sans toutefois en bloquer l’accès. De nombreuses questions pratiques sur ce projet restent toutefois en suspens.

Les réseaux sociaux

Emmanuel Macron affirme, dans un autre entretien au Point, que l’on « entre dans une phase où il va falloir réguler davantage » les réseaux sociaux, qu’il tient pour responsables des « recroquevillements » des internautes au sein de cercles dans lesquels « les gens pensent tous de la même façon » ; et pointe également « l’addiction aux écrans » ou encore la « violence par l’anonymat » qui, selon lui, « ne devrait pas exister dans une société démocratique ». Ce dernier thème est récurrent dans les prises de position du président sortant, bien que la recherche montre de manière conclusive que l’anonymat en ligne ne joue qu’un rôle marginal dans les phénomènes de haine en ligne. M. Macron ne précise pas quelle forme prendraient ces nouvelles régulations au-delà des négociations européennes en cours ; les thématiques de la haine en ligne ou du harcèlement figuraient en bonne place dans la « loi Avia », votée en 2020, mais largement retoquée par le Conseil constitutionnel.

Le programme de Marine Le Pen contient, lui, une mesure particulièrement notable sur la question de la modération des réseaux sociaux, que la candidate du RN juge, à l’image de Donald Trump, biaisée contre sa famille politique. Elle souhaite interdire aux réseaux sociaux de modérer les contenus selon des règles qui iraient plus loin que la loi française ; « seule l’application du droit national, par exemple en matière d’incitation à la haine, de protection des mineurs, [peut] être le fondement de retrait de contenus ou de fermeture de comptes », estime-t-elle dans le volet numérique son programme.

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Cette mesure, si elle était mise en place, reviendrait à interdire aux équipes de modération de Facebook ou de YouTube – dont les manquements sont déjà souvent montrés du doigt –, toute action qui n’aurait pas été décidée par un tribunal. Des millions de contenus sont aujourd’hui supprimés chaque jour en France sur ces plates-formes. En cas de manque de coopération de leur part, Mme Le Pen évoque, par ailleurs, la possibilité pour la France de se doter de ses propres outils : « Je n’hésiterai pas à faire établir et gérer un réseau social public, libre et gratuit, si les réseaux sociaux privés devaient persévérer dans leurs pratiques », écrit-elle. Sans préciser comment il serait, ou non, modéré.

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