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EXCLUSIF. « Netflix investit 200 millions dans la création française », selon son co-PDG Ted Sarandos

Le co-PDG du géant de la SVOD, Ted Sarandos, se confie sur sa stratégie après un premier semestre agité. La plateforme proposera un abonnement moins cher avec de la publicité ciblée. 

Propos recueillis par Marie-Pierre Gröndahl et Bruna Basini , Mis à jour le
Ted Sarandos.
Ted Sarandos. © Benjamin CREMEL POUR LE JDD

Ted Sarandos, 57 ans, est aux manettes de Netflix depuis deux ans, en copilotage avec le fondateur Reed Hastings. Ce spécialiste des contenus reste serein concernant l’avenir.

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Pour la première fois en une décennie, Netflix a perdu 200 000 abonnés au premier trimestre de cette année. Cela vous inquiète-t-il ?
Les réactions des consommateurs s’inscrivent dans un contexte inflationniste. Chaque client se pose la question de la valeur d’un abonnement par rapport à son coût. Les prophéties autoréalisatrices jouent leur rôle. À force d’évoquer la récession, les ménages restreignent leurs dépenses. Cette perte d’abonnés doit être relativisée : nous avions réalisé en 2020 la meilleure performance depuis notre création. Plusieurs contenus battent des records d’audience, comme les films Don’t Look Up et Red Notice, ou la série phénomène Squid Game. Ou la quatrième saison de Stranger Things, qui a atteint le seuil de 1 milliard d’heures de visionnage dès sa sortie.

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Quels autres facteurs expliquent cette baisse ?
Le ralentissement est multifactoriel. A cause des difficultés d'approvisionnement et de logistique mondiales, les ventes de télévisions connectées (smart TV) ont décliné. Or, nos abonnements sont liés au degré d'équipement dans ces appareils. Nous avons perdu 700 000 abonnés en Russie, quand nous nous sommes retirés de ce marché.

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Combien d’abonnés avez-vous aujourd’hui ?
Nous avons 222 millions d’abonnés dans le monde. En France – et c’est un chiffre que nous n’avions plus dévoilé depuis 2020 –, nous comptons aujourd’hui plus de 10 millions de foyers (au lieu de 6,7 en 2020).

Lire aussi - Netflix veut faire payer les 100 millions de foyers qui profitent du partage de comptes sans abonnement

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Une lettre interne a créé la controverse en disant : « Si vous n’aimez pas nos contenus, partez. » Est-ce une révolte contre des contenus trop politiquement corrects ?

Le principe fondateur de Netflix repose sur la liberté d’expression. Nos contenus s’adressent à une large palette de sensibilités. Au sein d’un seul foyer, un programme fait rarement l’unanimité. Plus l’échantillon s’agrandit, plus les opinions divergent. Notre objectif consiste à distraire le monde entier grâce à une grande diversité. La réduire serait nier notre identité. L’art ­suscite des émotions. Cette lettre a été écrite par des salariés à l’intention de l’ensemble des salariés pour rappeler que nous ne voulons pas d’une pensée unique.

Netflix a pour la première fois cette année licencié 400 personnes, soit 3 % des effectifs. Le signal d’un plan de réduction des coûts ?
Nous nous adaptons au ralentissement de la croissance par rapport aux projections. Sans limiter les dépenses en production de contenus : elles atteindront 17 milliards d’euros en 2022.

De nouveaux acteurs, comme Disney ou Apple, se sont lancés. Est-ce une menace ?
Le marché a toujours été dur. Disney était déjà un rival bien avant de ­lancer sa plateforme, quand ses films étaient diffusés dans les cinémas et en DVD. Nous conservons de l’avance parce que notre ADN, c’est de satisfaire le consommateur. Pas les distributeurs, les exploitants de salles ou les opérateurs du câble. Notre stratégie ne change pas : nous offrons des contenus de qualité le plus rapidement possible à nos abonnés. Notre mission, c’est leur satisfaction. Pas la gestion de leur frustration, comme pour les acteurs de la télévision. Lors de la sortie d’Obi Wan par Disney ou de Top Gun par Paramount, c’est la dernière saison de Stranger Things qui a fait l’événement. C’est Stranger Things qui a propulsé en quelques heures le hit de Kate Bush en tête des charts, trente-sept ans après sa création.

Le binge watching – la possibilité de regarder tous les épisodes d’une série d’un seul coup – est l’une de vos marques de fabrique. Allez-vous y renoncer en imitant vos concurrents ?
Nous modulons les dates de diffusion en fonction de divers critères. Nous proposons aussi des contenus intermédiaires, pour réduire l’attente entre deux saisons d’une même série, comme Queen Charlotte avec La Chronique des Bridgerton. Nous continuerons d’offrir plusieurs épisodes simultanément aux consommateurs, même si ce n’est pas la totalité. Si nous ignorons combien d’épisodes un client aime voir d’affilée, nous savons qu’il ne souhaite pas être contraint de n’en voir qu’un seul à la fois.

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Le principe fondateur de Netflix repose sur la liberté d’expression

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Votre co-PDG, Reed Hastings, et vous-même aviez jusqu’ici refusé d’inclure de la publicité dans vos contenus. Avez-vous changé d’avis ?
Nous allons donner le choix. En le proposant aux clients qui veulent payer moins cher et que la publicité ne rebute pas. Beaucoup d’entre eux ont grandi en acceptant de regarder une publicité de trente secondes avant une vidéo sur ­YouTube.

Quand ?
La date n’est pas encore arrêtée. Mais le lancement sera mondial. Cela complexifiera notre modèle, mais nous permettra d’élargir notre audience.

Allez-vous maintenir le partage des mots de passe ?
Notre abonnement a été conçu sur la base d’une souscription par foyer et nous avons toléré les partages de codes personnels pour nous faire connaître. Nous testons un ­nouveau système de facturation pour des profils supplémentaires ne vivant pas sous le même toit. Environ 100 millions de personnes nous regardent sans payer. Les clients qui partagent leurs mots de passe avec d’autres devront payer un peu plus cher pour continuer à le faire. Ce sera progressif.

Netflix va-t-il investir dans les droits sportifs télévisés, comme Amazon Prime et Apple TV ?
Nous y avons longtemps réfléchi mais je ne pense pas que nous devrions imiter les télévisions. Compte tenu de l’explosion du montant de ces droits, ce n’est pas dans notre intérêt. Nous préférons le storytelling, comme en témoigne notre contenu Drive to Survive, sur les coulisses de la Formule 1. Suivront le golf, le tennis et le vélo. Nous sommes actuellement en tournage sur le Tour de France.

État des lieux de Netflix aujourd'hui.

État des lieux de Netflix aujourd'hui.

(JDD)

Vous serez demain à Paris pour le sommet Choose France. Pourquoi y participez-vous ?
Netflix est devenu un grand exportateur de culture française. Une série comme Lupin, des films comme Sans répit ou De l’autre côté du périph sont des succès planétaires. Nous avons investi cette année 200 millions d’euros dans la création française, dont 40 millions dans des films indépendants. Nous lançons un incubateur qui va faire travailler ensemble des scénaristes expérimentés et des talents en devenir, sous la houlette du showrunner hollywoodien Neal Baer [Urgences et New York Police judiciaire]. En 2021, nous avions une trentaine d’apprentis en France sur nos ­productions.

Vous remettez en question la chronologie des médias, malgré l’accord signé en janvier avec les représentants du cinéma français. Quinze mois, c’est trop long ?
Cet accord représente une avancée positive. Je ne sais pas quel serait le délai idéal, mais il se situerait plutôt en semaines qu'en mois. Je pense que le délai approprié est de quelques semaines et non de quelques mois. Il faut s’adapter aux attentes des consommateurs. La France fait figure d’exception dans le monde, mais ce modèle n’est pas soutenable.

Allez-vous bientôt succéder à Reed Hastings ?
Nous copilotons Netflix depuis dix ans. Reed est un visionnaire et une source continue d’inspiration. Nous formons un tandem unique et très complémentaire dans la technologie et le divertissement. Nous avons traversé de nombreuses crises ensemble avec une complicité croissante. Ni lui ni moi ne souhaitons aller ailleurs.

Quelle est votre film favori ?
Mon film préféré est Le Parrain. Mais j‘aime aussi Y a-t-il un pilote dans l’avion ou Lost in America. Mon travail consiste à comprendre les goûts du plus grand nombre. Je regarde tous les contenus de nos concurrents.

*Le titre de cet article a été modifié afin d'être au plus proche des propos tenus

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