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Des propriétaires de locations saisonnières contraints de payer des droits d'auteur à la Sacem

Face à un manque de clarté de la Sacem, de nombreux propriétaires affichent leur incompréhension sur les réseaux sociaux, face à un manque de clarté de la Sacem.
Face à un manque de clarté de la Sacem, de nombreux propriétaires affichent leur incompréhension sur les réseaux sociaux, face à un manque de clarté de la Sacem. PAO joke / stock.adobe.com

Gîtes, locations meublées, chambres d'hôtes... La Sacem réclame aux propriétaires un montant forfaitaire annuel de 198,01 euros. Mais il ne s'applique qu'à certaines conditions.

De nombreux propriétaires de locations saisonnières s'interrogent sur un mystérieux courrier de la Sacem. La Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique y réclame des droits d'auteur. Mais en réalité, ces droits ne s'appliquent qu'à certaines conditions.

Sur son site, la Sacem indique que ce dispositif concerne les loueurs «de meublé de tourisme, chambre d'hôte, gîtes» et hôtels, qui mettent à disposition de leurs clients une télévision, une radio ou un lecteur de CD. Elle ajoute que les propriétaires doivent souscrire à un forfait annuel de 198,01 euros hors taxes, afin de diffuser des œuvres dans les chambres et les parties communes, «sans aucune restriction». Ce prix s'applique à «toute personne déclarant ses diffusions au préalable», bénéficiant ainsi d'une réduction de 20%.

Les propriétaires doivent s'acquitter d'un forfait annuel de 198,01 euros pour diffuser des œuvres «sans aucune restriction». Capture d'écran Sacem

Certaines personnes ne comprennent pas, devant payer la redevance télévisuelle en plus de la Sacem. Neela, ancienne propriétaire de chambres d'hôtes à Metz, se souvient d'une visite de l'organisme il y a six ans : «Un matin, je vois un homme arriver chez moi, dégainant une carte de la Sacem. À l’époque, je ne savais même pas ce qu'était cette société. Il voulait contrôler si j'avais un téléviseur ou une radio dans mon établissement.»

Neela s'interroge car elle ne possède qu'une seule télévision, la sienne, dans le salon commun. «J'ai appelé la Sacem pour être sûre que ce ne soit pas une arnaque et j'ai payé un peu moins de deux cents euros», précise-t-elle. L'ancienne propriétaire indique aussi qu'après la fermeture de son établissement, les courriers de la Sacem continuaient d'arriver dans sa boîte aux lettres, devant rappeler la société pour signaler l'arrêt de ses activités. Selon elle, le paiement de ces droits par des particuliers «n'est pas du tout compréhensible» et «ne devrait même pas exister».

Un manque de clarté

Jean Félix Choukroun, directeur du service clients de la Sacem, prévient au Parisien que les 150 agents de la Sacem «sont autorisés à entrer légalement dans les domiciles entre deux locations pour vérifier l'existence d'un téléviseur ou d'une radio». Sur les réseaux sociaux, de nombreux internautes s'insurgent de telles pratiques opérées par la société privée. «Ces agents n'ont aucune prérogative de puissance publique, ni aucune autorisation d'un juge pour entrer dans des parties privées non ouvertes au public. Ils ont seulement le droit de constater à distance ou d'entrer dans des lieux privés ouverts au public comme des halls d'hôtels ou des accueils de camping», souligne au Figaro Jean-Denis Lefeuvre, ingénieur ayant une formation d'avocat.

La Sacem n'hésite pas à impressionner les propriétaires les plus récalcitrants. En cas de refus de paiement, la peine encourue entraînerait une amende pouvant atteindre jusqu'à 300.000 euros. «Notre démarche est légale, elle répond à une mission d'intérêt général inscrite dans le Code de la propriété intellectuelle», mentionne Jean Félix Choukroun. Selon lui, il ne s'agit ni d'une taxe, ni d'une redevance. «Dans le cas d'une location saisonnière, cela représente 105 à 110 jours de location en moyenne par an, ça revient à 2 euros par jour, ça reste raisonnable», temporise-t-il.

En réalité, le paiement de ces droits d'auteur ne s'applique que dans certains cas particuliers. «La seule mise à disposition d'appareils techniques [téléviseur, poste de radio, lecteur de CD] n'entre pas dans le champ des droits d'auteur», alerte Jean-Denis Lefeuvre, s'appuyant sur une jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE). Cette Cour a jugé récemment que les sociétés de location de voitures ayant un autoradio ne sont pas concernées par le paiement des droits d'auteur.

Une jurisprudence «un peu bancale»

Deux exceptions sont toutefois à souligner. La première concerne les établissements qui sonorisent volontairement leurs espaces, «forçant» ainsi leurs clients à écouter une production artistique. Dans ce cas, les infrastructures doivent régler des droits d'auteur à la Sacem. Jean-Denis Lefeuvre souligne que cette règle prévaut à la fois pour des lieux de tourisme, «que pour des salles d'attente de dentiste, médecin, etc». Une autre exception porte sur la réception d'un signal télévisé. Par exemple, si un hôtel installe une antenne parabolique dans chacune de ses chambres, il n'a rien à payer à la Sacem. Par contre, s'il ne possède qu'une antenne parabolique dans l'ensemble de l'hôtel et que le signal est retransmis sur toutes les télévisions, le paiement des droits à la Sacem est légal. Ces exceptions reposent sur un arrêt de la Cour de cassation datant de 1994 et d'autres arrêts concordants de la CJUE, mais Jean-Denis Lefeuvre en convient, la jurisprudence est «un peu bancale» et «manque de clarté».

Selon lui, les tentatives infondées de paiement pourraient être susceptibles de s'apparenter à de l'escroquerie en bande organisée (articles 313-1 et suivants du Code pénal) car le paiement des droits d'auteur ne s'applique pas à tous les propriétaires de location de vacances. Si un doute persiste, il recommande de citer la jurisprudence de la CJUE et de se rapprocher d'une association de défense des droits des consommateurs ou d'un avocat.


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389 commentaires
  • Anastasie, mon commentaire est OK?

    le

    Et Google, ils paient combien à la SACEM ? J'ai l'impression qu'une fois de plus l'important en cette affaire ubuesque est d'avoir de bons avocats.

  • anonyme

    le

    “La France est un pays extrêmement fertile : on y plante des fonctionnaires et il y pousse des impôts”, Georges Clemenceau.

  • Diloue

    le

    je croyais que « juré cracher « il n’y aurait plus d’augmentations d’impots ou de taxes nouvelles

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