VIDÉO. « Attenzione Pickpockets ! » : on a suivi Monica Poli, la femme qui poursuit les pickpockets à Venise

Cet été, les vidéos de cette Vénitienne pourchassant les pickpockets de la cité des Doges ont fait le tour du monde. Si Monica Poli est désormais une star auprès des touristes, ses techniques anti-pickpockets posent parfois question. Nous l’avons rencontrée et suivie au cours d’une de ses patrouilles.

    Elle fait désormais partie du décor de Venise. Quand son habituel « Attenzione pickpockets ! » résonne dans les ruelles étroites de la cité des Doges, les riverains et touristes s’arrêtent, attentifs, tandis que les pickpockets déguerpissent rapidement. Monica Poli, 50 ans, cheveux argentés sous un chic chapeau rose, est devenue malgré elle, la nouvelle star de sa ville. Celle qui fait partie d’un groupe de citoyens anti-pickpockets baptisés les « Cittadini non distratti » (traduire citoyens non-distraits en français) qui passent leur temps libre à surveiller la gare de Venise.

    Leur objectif : pourchasser et filmer ceux qui s’approcheraient trop près des sacs des touristes. « Le matin je travaille, l’après-midi, je surveille. Ça peut prendre du temps, parfois une heure, parfois six », nous explique Monica. Si cette ouvrière veille sur les touristes depuis quelques années déjà, son combat est devenu célèbre cet été grâce à TikTok. « On publiait déjà des photos et des vidéos de pickpockets sur notre page Facebook. Je me suis dit que ça pourrait être intéressant de les mettre sur TikTok. Mais je ne m’attendais pas à un tel retour », sourit-elle.

    Près de 100 millions de vues plus tard, de nombreux touristes la reconnaissent, malgré ses larges lunettes de soleil. Certains viennent la remercier et prennent un selfie. « Ce problème existe depuis des dizaines d’années, avance Franco Dei Rossi, un autre membre du collectif venu nous rejoindre. Avec TikTok, Monica l’a davantage mis en lumière. Ce qui a obligé la Ville à admettre que ce problème existait ».

    Avec Monica et Franco, ils sont plus de 50 Vénitiens à surveiller les pickpockets. Selon The Economist, ils auraient été responsables d’un tiers des arrestations de pickpockets dans la ville en 2019. Et leur initiative s’étend déjà dans d’autres villes d’Italie, comme Rome ou Milan, voire dans d’autres grandes villes européennes.

    Alors que nous entamions notre interview, Franco Dei Rossi reçoit un signalement de la part d’un commerçant qui aurait aperçu un couple de pickpockets sur un pont. Ni une ni deux, les deux comparses emboîtent le pas et ouvrent l’œil. « Ils sont juste derrière toi », lance Franco, avant de faire mine de s’intéresser à une boutique sur le côté, se dissimulant sous un béret et des lunettes de soleil. Après 30 minutes de profilage sans preuve évidente de vol, la police procèdera à ce qui semble être un contrôle. Mais on ne saura jamais si les suspects ont été arrêtés et s’il s’agissait bien de pickpockets.

    Le mode opératoire des « Cittadini non distratti » pose aussi question. « On ne peut pas filmer des gens, surtout des mineurs, les accuser d’être des pickpockets, et diffuser cela », lançait en 2020 Diego Brentani, secrétaire du syndicat de la police vénitienne. « Nous, les pickpockets, on les connaît, rétorquent Monica et Franco. Ça fait 30 ans qu’on voit les mêmes et ce n’est jamais arrivé qu’on se trompe ».

    Quand bien même la police « salue ce travail de prévention », elle reste ferme sur le fait que « cette gestion de la sécurité revient avant tout à l’État ». Un nouveau centre opérationnel permettant à plusieurs forces de police de travailler conjointement devrait voir le jour, selon le syndicat de la police vénitienne.

    Autre élément soulevé après le succès de Monica sur les réseaux sociaux : son engagement politique. Elle est conseillère municipale de la Lega, parti situé à l’extrême droite. Et en cherchant rapidement sur le profil de membre des « citoyens non-distraits », on s’aperçoit qu’elle n’est pas la seule. L’ancien premier ministre Matteo Salvini, issu de cette formation politique, lui a d’ailleurs apporté publiquement son soutien.

    Ce genre d’initiative a aussi, par le passé, pu dégénérer. En 1996, selon la presse italienne, quatre membres d’un collectif anti-pickpockets avaient été accusés par la police d’avoir « frappé des Algériens ». En 2000, le journal La Repubblica rapportait qu’une personne d’origine algérienne « avait été poignardée » par des membres d’un groupe anti-pickpockets, « alors qu’elle volait un portefeuille ».

    Ironie du sort, à la fin de notre tournage, Monica se fera dérober son téléphone par un pickpocket devant notre caméra. En scrutant nos images vidéo, on aperçoit même l’individu en question nous suivre bien plusieurs minutes avant le vol. Monica ira donc porter plainte au commissariat, se retrouvant à la place des touristes victimes de vol qu’elle tente d’aider au quotidien. Heureusement pour elle, au bout d’une semaine, la police réussira à retrouver son téléphone.