France Télévisions sort de Salto pour 45 millions d'euros
TF1, M6 et France Télévisions ont trouvé un accord pour la cession de la participation du groupe public, dans le cas de la fusion entre TF1 et M6. La plateforme est valorisée 135 millions d'euros.
Par Fabio Benedetti Valentini, Marina Alcaraz
Salto, la plate-forme commune de France Télévisions, TF1 et M6... ne sera plus tripartite. Souhaitant se désengager de la plateforme de streaming au vu du projet de fusion TF1-M6, le groupe audiovisuel public est parvenu à un accord qui sécurise la vente de sa participation de 33% aux deux autres actionnaires.
Cet accord est suspendu à la réalisation de la fusion TF1-M6 . Si cette opération se concrétise comme prévu début 2023, France Télévisions sortira alors de Salto en recevant 45 millions d'euros de la part de TF1 et M6. Cela donne une valorisation de 135 millions d'euros pour 100% de Salto.
Un prix où tout le monde est à priori gagnant. TF1 et M6, en devenant le seul actionnaire après leur fusion, auront les coudées franches pour investir dans cette plateforme de streaming qui deviendrait donc entièrement privée.
Une opération au moins à l'équilibre
Selon nos informations, les modalité de vente devraient sans doute permettre à France Télévisions de réaliser une opération au moins à l'équilibre. Même si son investissement total dans la plateforme de de vidéo à la demande sur abonnement (SVoD) n'est pas connu, le groupe public a bénéficié de remontées financières provenant de Salto: diffusion et distribution des programmes, publicité.
Techniquement, cet accord signifie que les contenus de France Télévisions ne seraient plus sur Salto en 2023. Toutefois, selon nos informations, il est possible que dans le futur le groupe public cherche à nouer avec Salto des accords de distribution .
Les trois groupes précisent dans un communiqué que Salto restera contrôlé conjointement par ses trois actionnaires au cours de l'exercice 2022 pour poursuivre le développement de la plate-forme.
Pas une surprise
Lancé en octobre 2020 et détenu à parts égales par les trois groupes audiovisuels, Salto tel qu'il est, n'aura donc tenu qu'un temps.
Le retrait de France Télévisions n'est pas une surprise. En fin d'année dernière, Delphine Ernotte, sa présidente, avait annoncé que son groupe avait vocation a sortir du capital. « Le projet de fusion change la donne puisque nous deviendrions minoritaires ; et TF1-M6 souhaitent réorienter cet actif pour mieux l'intégrer à leur stratégie digitale. Je le comprends et ne vais pas m'y opposer. En revanche, nous serons très vigilants aux conditions de sortie éventuelle de France Télévisions », confiait Delphine Ernotte aux « Echos » en décembre.
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Le groupe audiovisuel public n'avait pas budgété cette année d'investissement sur Salto pour 2022, signe d'un retrait imminent, alors que la plateforme avait pesé pour 31 millions dans le budget de l'an dernier.
Le retrait de France Télévisions marque aussi la fin d'un «ménage à trois» initié... par le groupe public lui-même. A l'époque déjà, les interrogations sur Salto étaient vives, compte tenu de la diversité et des objectifs différents de ses actionnaires.
Toute la question est désormais de savoir comment va évoluer la plate-forme dans le projet de fusion.
A priori, TF1 et M6 souhaiteraient davantage intégrer la SVoD dans leur stratégie globale en proposant plusieurs offres : du replay gratuit, du payant, de la SVoD, alors que le nouveau groupe veut mettre l'accent sur le streaming .
«Un vrai rattrapage à faire»
Salto n'a pas vraiment réussi à décoller, même s'il ne communique pas sur des chiffres ou des objectifs financiers. En début d'année, Delphine Ernotte avait évoqué le chiffre de 700.000 abonnés sans dire s'il s'agissait des abonnés payants avec ceux bénéficiant d'un mois gratuits. Cumuler aujourd'hui 700.000 abonnés n'a rien d'exceptionnel, Netflix avait atteint 750.000 abonnés moins d'un an après son arrivée en France en 2014.
Le patron de Bertelsmann, qui contrôle M6, l'avait reconnu lui-même il y a quelques semaines. Arrivé «peut-être un petit peu trop tard » , Salto a « un vrai rattrapage à faire » car son parc d'abonnés se situe à un niveau insuffisant, avait estimé Thomas Rabe, PDG de Bertelsmann , lors d'une audition de la commission d'enquête du Sénat sur la concentration dans les médias.
En Allemagne, « exactement les mêmes équipes gèrent la télévision et le streaming, c'est une des raisons du succès », avait ajouté Thomas Rabe.
Fabio Benedetti Valentini, avec Marina Alcaraz