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Le doublement de sa TVA oblige Canal+ à augmenter ses prix

Le taux de TVA de Canal+ doit doubler, à 20 %, selon l'administration fiscale. Le groupe réclamait pourtant qu'il soit divisé par deux, à 5,5 %, pour mieux rivaliser avec les plateformes américaines. Plus de 2 milliards de revenus de Canal+ France sont concernés. La hausse de 10 % des tarifs sera absorbée par les abonnés mais aussi en partie par Canal+.

La hausse des tarifs de Canal+ d'environ 2 euros sera absorbée différemment selon que les abonnés sont engagés ou pas.
La hausse des tarifs de Canal+ d'environ 2 euros sera absorbée différemment selon que les abonnés sont engagés ou pas. (Disney)

Par Nicolas Madelaine

Publié le 13 juin 2022 à 18:21Mis à jour le 13 juin 2022 à 19:26

Les abonnés à Canal+ en ont été informés par courrier vendredi dernier. « Les autorités fiscales nous ont informés que le taux de TVA applicable à certaines de nos offres était désormais [...] de 20 % et non plus [...] de 10 %. Cette augmentation nous contraint à augmenter le tarif de votre abonnement », dit la lettre.

Alors que Canal+ plaidait depuis plusieurs années pour qu'on ramène son taux de TVA (relevé en 2011 à 10 %) à 5,5 %, et ce afin de mieux rivaliser avec les plateformes américaines comme Netflix (même si ces dernières sont à 20%), le ministère des Finances a signifié à la filiale de Vivendi que son taux devait être au contraire multiplié par deux. «Canal+ a sollicité l'administration fiscale pour clarifier la question de sa TVA et celle-ci lui a fait part de sa vision par rapport au droit», dit Bercy, qui précise que «le groupe n'est pas obligé de répercuter cette hause sur ses tarifs».

Impact sur le résultat d'exploitation

Plus de 2 milliards d'euros de chiffres d'affaires - sur un total de 3 milliards pour Canal+ France - sont concernés, selon nos calculs. Soit un impact de plus de 200 millions diversement absorbé. Pour les abonnés non engagés, la facture va augmenter dans quelques mois quand la mesure entrera en vigueur, de même que pour les abonnés nouvellement recrutés par la chaîne.

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En revanche, pour les abonnés engagés pour un ou deux ans, qui représentent le gros des abonnés, c'est Canal+ qui absorbera la hausse afin de collecter le bon niveau de TVA pour le Trésor, et ce jusqu'à la fin des contrats de chacun des abonnés. L'impact pourrait être important sur le résultat opérationnel, qui était de 480 millions d'euros en ajusté pour l'ensemble de Canal+, y compris ses filiales internationales, en 2021. Des tarifs plus élevés en période de conjoncture économique difficile pourraient aussi conduire à des désabonnements.

Toutes les offres distribuées par Canal+ ne sont pas concernées par cette hausse. Netflix et Disney+, que Canal distribue, sont en effet déjà soumis à une TVA de 20 % qui ne change pas. Canal+ Séries, l'offre séries du groupe, était déjà à 20 % elle aussi. BeIN, chaîne de sport essentiellement consultée en direct, reste de son côté à 10 %. La hausse concerne Canal+, la chaîne cryptée, qui sert ensuite de socle aux offres sports et ciné séries. En moyenne, elle va passer de 20 à 22 euros par mois.

Arme anti-TVA des kiosques presse

Dans le projet de loi de finance de 2021, le gouvernement avait déclaré son intention de « clarifier les règles de TVA applicables aux offres composites ». Ce n'était pas spécialement Canal+ qui était visé, mais tous les opérateurs de services agrégeant des abonnements. La règle était qu'« une offre unique comprenant des éléments autres qu'accessoires relevant de taux de TVA différents se voit appliquer, dans son intégralité, le taux de TVA le plus élevé ». Bercy voulait surtout punir les opérateurs télécoms qui avaient réussi à abaisser leur facture de TVA avec des kiosques presse , taxés à 2 %.

Canal+ avait réussi à distribuer séparément Netflix et Disney+, avec qui il a des accords, afin de garder un taux de TVA à 10 % pour sa chaîne. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. La logique mise en avant par Bercy serait la suivante : l'augmentation en volumes de la mise à disposition de films et séries en télévision de rattrapage sur Canal+ fait que la chaîne s'apparente de plus en plus à de la vidéo à la demande par abonnement (SVOD). D'où le même taux que pour les services Netflix et Disney+.

Audition TNT à l'Arcom

La décision de Bercy survient juste avant une audition de Canal+ le 30 juin à l'Arcom, le gendarme de l'audiovisuel, pour la reconduction de l'autorisation de la chaîne cryptée à diffuser en TNT. Le groupe s'interrogeait récemment sur la pertinence de rester sur la TNT , qui lui impose certaines obligations, alors que l'essentiel des téléspectateurs regarde Canal+ via les box des opérateurs télécoms. C'était déjà le cas en 2020. C'est à ce moment-là que le groupe audiovisuel exigeait au préalable qu'on lui accorde une baisse de son taux de TVA .

Canal+ va mieux et a réussi à maintenir sa place centrale dans l'écosystème du cinéma français en pouvant diffuser les films six mois après leur sortie en salles. Peut-être que cela a influencé la décision de Bercy. Mais la mesure pourrait avoir des effets de ricochet à l'avenir. L'accord de financement de 200 millions d'euros par an du cinéma français précise que le taux de TVA de Canal+ doit être à 10 %. Le groupe peut aussi ressortir sa menace de devenir une plateforme de séries plus qu'un service de cinéma, ce qui allégerait ses obligations. La filiale de Vivendi pourrait faire valoir que Disney+ est inscrit comme un service de séries alors qu'il est essentiellement connu en France pour ses grands films et qu'à peine la nouvelle chronologie des médias entrée en vigueur, Disney fait pression pour la changer en sortant son film d'animation de Noël directement sur Disney+, en zappant la salle.

Nicolas Madelaine

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